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M. V. COUSIN

Monsieur,

En vous rendant ici un hommage qui vous est dû à plus d'un titre, je n'ai pas la prétention d'apprendre au public ce que vous avez fait, ce que vous ne cessez de faire chaque jour pour la philosophie et les lettres françaises. Personne n'ignore que, non content d'avoir donné autrefois la première édition complète de Descartes, vous avez encore entrepris de publier à vos frais les œuvres inédites d'Abélard. Les amis des lettres n'ont pas besoin qu'on leur rappelle ces services rendus à l'esprit humain aussi bien qu'à la France elle-même. Mais ce que je dois dire, parce que tout le monde ne le sait pas, c'est qu'en des temps meilleurs vous aviez aussi pensé à recueillir les écrits épars de notre infortuné Ramus. Plus tard, quand vous avez dû renoncer à ce généreux dessein, c'est vous qui m'avez encouragé à entreprendre le travail que je fais paraître aujourd'hui sous votre patronage. Puisse-t-il mériter votre approbation, et demeurer comme un témoignage de mon respectueux attachement à l'auteur du Vrai, du Beau et du Bien!

CHARLES WADDINGTON.

PRÉFACE

L'idée première de tout ce travail est contenue dans les lignes suivantes de M. Cousin:

« En France, le XVIe siècle a eu ses philosophes indépendants, qui ont attaqué ou miné la domination d'Aristote et de la scholastique. Il serait utile et patriotique de disputer à l'oubli et de recueillir pieusement les noms et les écrits de ces hommes ingénieux et hardis qui remplissent l'intervalle de Gerson à Descartes. Du moins il en est un que l'histoire n'a pu oublier, je veux dire Pierre de la Ramée. Quelle vie et quelle fin! Sorti des derniers rangs du peuple, domestique au collège de Navarre, admis par charité aux leçons des professeurs, puis professeur lui-même, tour à tour en faveur et persécuté, banni, rappelé, toujours suspect, il est massacré dans la nuit de la Saint-Barthélemy, comme protestant à la fois et

comme platonicien... Depuis on n'a pas daigné lui élever le moindre monument qui gardât sa mémoire; il n'a pas eu l'honneur d'un éloge public, et ses ouvrages même n'ont pas été recueillis1. »

Ce noble appel, adressé il y a dix ans à tous les amis de la philosophie, ne pouvait manquer d'éveiller la sympathie du corps enseignant et singulièrement de cette vieille faculté des arts de Paris, toujours si riche en grands maîtres, et dont Ramus avait été le professeur le plus célèbre depuis Abélard jusqu'à ces trois gloires contemporaines de l'enseignement et de la littérature en France, M. Villemain, M. Guizot, M. Cousin. Lorsqu'en 1848 je présentai à la faculté des lettres un premier essai en latin sur un de leurs plus dignes prédécesseurs, ces trois hommes éminents, qu'on peut louer aujourd'hui sans être suspect de flatterie, appartenaient encore à l'université. Leur bienveillant accueil, les encouragements et les critiques même de leurs savants collègues, m'engagèrent à composer sur le même sujet un mémoire en français, que je soumis à l'Académie des sciences morales et politiques. Là aussi vivait le souvenir de Ramus; là siẻgeaient ses successeurs au collége fondé par François Ier. L'illustre compagnie, sur la proposition de M. Mignet, son secrétaire perpétuel, et sous la présidence de M. Barthélemy Saint-Hilaire, voulut bien consacrer plus d'une séance à écouter l'éloge de celui qui le premier avait fait aimer à la France le nom libéral et platonicien d'Académie.

Après cette double tentative, dont le succès a dépassé

1 V. Cousin, Fragments de philosophie cartésienne, p. 5-7.

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