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les frais que cette recette avait coûtés, sur la multitude d'employés qu'il fallait, et sur les inconvéniens de cette frontière de quatre lieues de profondeur, faisant le tour de la France, dans laquelle la circulation était obstruée par la nécessité des passe-avant et la défense de marcher la nuit, gênes insupportables pour le commerce...... Mais le consul, gardant toujours l'offensive, et ne répondant rien à mes raisons, passa à quelques autres objections que.

CHAPITRE XXXIII.

Dernières années. Conclusion.

1803. MA nomination à l'Institut et à la pension de sexagénaire (1). Mon travail pour le dictionnaire. Plan de l'ouvrage, lu à l'Académie ou deuxième classe, et approuvé. Remarques sur Vauvenargues, à l'aide desquelles je donne de l'occupation à nos assemblées. Après la distribution des prix, je reprends le plan du dictionnaire, que je développe, et c'est notre occupation des premiers mois de 1804.

1805. Le 6 mars (ou 15 ventôse an XIII), étant président de l'Académie à la réception de M. de Lacretelle, j'ai répondu à son discours (2).

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1805. 31 juillet (12 thermidor an XIII), séance publique où j'ai prononcé l'éloge de Marmontel (3).

En..... établissement de la commission du dictionnaire, dont je suis fait secrétaire.

(1) L'abbé Morellet écrivit alors au ministre de l'intérieur qu'il n'accepterait la pension de sexagénaire qu'à condition que M. Gaillard, pauvre et oublié, la recevrait avant lui,

(2) Voyez cette réponse, tome Ier des Mélanges, page 97. (3) Tome Ier des Mélanges, page 57.

Membres de la commission: Suard, Sicard, Boufflers, Arnault et moi.

Forme du travail que j'établis.

Inexactitude de plusieurs des commissaires, etc. A la fin de 1807, mon élection au Corps législatif. A la fin de 1808, proposition faite par la commission, à la classe, de renoncer à donner les étymologies, et de mettre après le mot français, les mots correspondans du grec, du latin, de l'italien, de l'espagnol, et peut-être aussi de l'anglais et de l'allemand.

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. (1). En jetant les yeux en arrière sur ce long période de ma vie, à compter de 1750, où j'ai commencé à penser, jusqu'au moment où j'écris mes souvenirs, si je me représente, d'un seul coup-d'œil, tous les hommes avec qui j'ai parcouru la carrière des lettres, dussé-je être appelé laudator temporis acti, je ne dirai pas comme Nestor : « J'ai vécu autrefois avec des hommes qui valaient mieux que vous tous, Pirithoüs et Dryas, chefs des peuples, et Cénée, et le divin Polyphème, et Thésée, semblable aux dieux immortels ; » mais, pour faire une énumération du même genre, je dirai que je suis entré dans le monde littéraire à une époque marquée par un grand nombre d'ouvrages devenus, à bon droit, célèbres, et que j'ai

(1) Nous plaçons ici ces réflexions que nous avons trouvées çà et et là dans les papiers de l'auteur, et qui nous paraissent terminer convenablement ses Mémoires.

été lié avec beaucoup d'hommes qui ont laissé des traces après eux.

Je compte de 1750 mon entrée dans la carrière. L'Esprit des Lois, qui avait paru en 1748, commençait à faire son effet retardé pendant quelque temps. De 1750 à 1760, sept volumes de l'Encyclopédie avaient été publiés, les premiers volumes de Buffon, l'Histoire et les Essais philosophiques de Hume, les Caractères et les Maurs du siècle, de Duclos, les articles de grammaire de Dumarsais, le traité des systèmes et celui des sensations de l'abbé de Condillac, la Description des arts de l'académie, divers ouvrages d'économie publique traduits de l'anglais, les travaux chimiques des deux Rouelle, et plusieurs traductions des chimistes allemands, par le baron d'Holbach; enfin, les écrits philosophiques de Voltaire et plusieurs de ses plus beaux ouvrages dramatiques, Oreste, en 1750; Rome sauvée, en 1752; l'Orphelin de la Chine, en 1755, Tancrède, etc. La musique italienne s'était introduite en France. De grands artistes, Lemoine, Carle Van Loo, Bouchardon, Pigale, Cochin, ranimaient la peinture, la sculpture, la gravure; de beaux édifices s'élevaient de toutes parts; un mouvement général agitait les eprits et les poussait à la fois vers tous les genres de connaissances et vers le perfectionnement de tous les arts.

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Parmi les hommes de lettres, les uns se répandent dans la société polie et cultivée, la recherchent et vivent au milieu d'elle; les autres s'en

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tiennent loin. Ces deux manières d'ètre ont chacune leurs avantages, mais aussi leurs inconvé niens, lorsqu'elles passent une certaine limite. L'homme de lettres, trop séparé des gens du monde, tombe dans le pédantisme, ou n'épure pas assez son goût; trop répandu, il perd un temps précieux, donne quelquefois dans l'affectation, et laisse, presque toujours, affaiblir sa manière et ses opinions. Vit-il scul, il est bizarre et dur; dissipé, il devient commun et frivole. Vu de trop loin, il n'est ni connu ni jugé, pour peu que ses travaux se portent sur des objets du genre le plus sérieux et le plus important, dont les gens du monde n'ont point d'idée; tandis que ceux qui le voient de trop près, tantôt, familiarisés avec sa personne, prisent son talent au-dessous de sa vraie valeur; tantôt, par enthousiasme de société, le vantent au-delà de ce qu'il vaut. Entre ces deux extrêmes, il est un milieu qu'il faut saisir. C'est ce milieu que nous cherchions dans le dernier siècle.

Si j'avais jamais pu croire à ce que chacun appelle son étoile, je m'en serais donné une telle que la mienne. J'ai eu, sans doute, mes soucis, mes malheurs; j'ai vu surtout d'affreuses calamités; mais, puisque telle est notre destinée, je dois au moins reconnaître ici que mes maux ont été compensés par le bonheur inestimable que j'ai eu d'être toujours libre, de n'être jamais devenu un homme public, d'avoir été toute ma vie un MORELLET, TOM. II. 2° édit.

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