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MNASILE. Elle est pourtant très-négligée, et elle n'en est pas moins gracieuse. Ce sont des cheveux bien partagés sur le front, qui pendent un peu sur les côtés avec une frisure naturelle et qui se nouent par derrière.

CHROMIS. Et cet habit! pourquoi tant de plis?

MNASILE. C'est un habit qui a le même air de négligence; il est attaché par une ceinture, afin que la nymphe puisse aller plus commodément dans ces bois. Ces plis flottants font une draperie plus agréable que des habits étroits et façonnés. La main de l'ouvrier semble avoir amolli le marbre pour faire des plis si délicats; vous voyez même le nu sous cette draperie. Ainsi vous trouvez tout ensemble la tendresse de la chair avec la variété des plis de la draperie.

CHROMIS. HO! ho! te voilà bien savant! Mais puisque tu sais tout, dis-moi, cette corne d'abondance, est-ce celle du fleuve Achéloüs, arrachée par Hercule, ou bien celle de la chèvre Amalthée, nourrice de Jupiter sur le mont Ida?

MNASILE. Cette question est encore à décider; cependant, je cours à mon troupeau. Bonjour.

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Le premier tableau que j'ai vu à Chantilly est une tête de saint Jean-Baptiste, qu'on donne au Titien et qui est assez petite. L'air de tête est noble et touchant; l'expression est heureuse. Il paroît que c'est un homme qui a expiré dans la paix et dans la joie du Saint-Esprit; mais je ne sais si cette tête est assez morte.

Les amours des dieux me parurent d'abord du Titien, tant c'est sa manière; mais on me dit que ce tableau étoit du Poussin, dans ces temps où, n'ayant pas encore pris un caractère original, il imitoit le Titien. Cet ouvrage ne m'a guère touché.

Il y a une autre pièce du même peintre qui me plaît infiniment davantage. C'est un paysage d'une fraîcheur délicieuse sur

le devant, et les lointains s'enfuient avec une variété très-agréable. On voit par là combien un horizon de montagnes bizarres est plus beau que les coteaux les plus riches quand ils sont unis. Il y a sur le devant une île, dans une eau claire, qui fait plusieurs tours et retours dans des prairies et dans des bocages où on voudra être, tant ces lieux paroissent aimables. Personne, ce me semble, ne fait des arbres comme le Poussin, quoique son vert soit un peu gris. Je parle en ignorant, et j'avoue que ces paysages me plaisent beaucoup plus que ceux du Titien.

Il y a un Christ avec deux apôtres, d'Antonio Moro. C'est un ouvrage médiocre; les airs de tête n'ont rien de noble et sont sans expression; mais cela est bien peint; c'est une vraie chair.

Le portrait de Moro, fait par lui-même, est bien meilleur. C'est une grosse tête avec une barbe horrible, une physionomie fantasque et un habillement qui l'est encore plus. Il est enveloppé d'une robe de chambre noire, qui est simple et avec tant de gros plis qu'on croit le voir suer sous tant d'étoffe.

Il y a une Assomption de la Vierge de Van Dyck, qui ne sert qu'à montrer qu'il n'auroit jamais dû travailler qu'en portraits.

On voit deux tableaux faits avec émulation pour feu M. le Prince : l'un est Andromède, par Mignard; l'autre est de M. Le Brun et représente Vénus avec Vulcain, qui lui donne des armes pour Achille. Le premier me paroît foible; l'autre est plus fort, et il a même un plus beau coloris que la plupart des ouvrages de M. Le Brun. Mais ce tableau me paroît peu touchant; la Vénus même n'est point assez Vénus.

Il y a une Andromède de Jacomo Palme, qui efface bien celle de M. Mignard. Elle est effrayée, et son visage montre tout ce qu'elle doit sentir à la vue du monstre.

Il y a une Vénus de Van Dyck, bien meilleure que celle de M. Le Brun. Mars lui dit adieu, elle s'attendrit. Mars est trop grossier, et elle est trop maniérée.

VI.

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ÉLOGE DE FABRICIUS, PAR PYRRHUS, SON ENNEMI

Un an après que les Romains eurent vaincu et repoussé Pyrrhus jusqu'à Tarente, or envoya Fabricius pour continuer cette guerre. Celui-ci, ayant été auparavant chez Pyrrhus avec d'autres ambassadeurs, avoit rejeté l'offre que ce prince lui fit de la quatrième partie de son royaume pour le corrompre. Pendant que les deux armées campoient en présence l'une de l'autre, le médecin de Pyrrhus vint la nuit trouver Fabricius, lui promettant d'empoisonner son maître, pourvu qu'on lui donnât une récompense. Fabricius le renvoya enchaîné à son maître et fit dire à Pyrrhus ce que son médecin avoit offert contre sa vie. On dit que le roi répondit avec admiration : « C'est ce Fabricius qui est plus difficile à détourner de la vertu que le soleil de sa

course. >>

VII.

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EXPÉDITION DE FLAMINIUS CONTRE PHILIPPE

Roi de Macédoine.

Titus Quintius Flaminius fut envoyé par le peuple romain contre Philippe, roi de Macédoine, qui, dans la chute de la ligue des Achéens, étoit devenu le tyran de toute la Grèce; Flaminius, qui vouloit rendre Philippe odieux et faire aimer le nom romain, passa par la Thessalie avec toute sorte de précaution pour empêcher ses troupes de faire aucune violence ni aucun dégât. Cette modération toucha tellement toutes les villes de Thessalie, qu'elles lui ouvrirent leurs portes comme à leur allié, qui venoit pour les secourir. Plusieurs villes grecques, voyant avec quelle humanité et quelle douceur il avoit traité les Thessaliens, imitèrent leur exemple et se mirent entre ses mains. Ils le louoient déjà comme le libérateur de toute la Grèce. Mais sa réputation et l'amour des peuples augmentèrent beaucoup quand on le vit offrir la paix à Philippe, à condition que ce roi demeu

reroit borné à ses États et qu'il rendroit la liberté à toutes les villes grecques. Philippe refusa ces offres; il fallut décider par les armes. Flaminius donna une bataille, où Philippe fut contraint de s'enfuir. Huit mille Macédoniens furent tués, et les Romains en prirent cinq mille. Après cette victoire, Flaminius ne fut pas moins modéré qu'auparavant. Il accorda la paix à Philippe, à condition que le roi abandonneroit toute la Grèce; qu'il payeroit la somme de... talents pour les frais de la guerre ; qu'il n'auroit plus désormais en mer que dix vaisseaux, et qu'il donneroit aux Romains en otage, pour assurance du traité de paix, le jeune Démétrius, son fils aîné, qu'on auroit soin d'élever à Rome selon sa naissance. Les Grecs, si heureusement délivrés de la guerre par le secours de Flaminius, ne songèrent plus qu'à goûter les doux fruits de la paix. Ils s'assemblèrent de toutes les extrémités de la Grèce pour célébrer les jeux isthmiques. Flaminius y envoya un héraut pour publier, au milieu de cette grande assemblée, que le sénat et le consul Flaminius affranchissoient la Grèce de toute sorte de tribut. Le héraut ne put être entendu la première fois, à cause de la grande multitude, qui faisoit un bruit confus.

Le héraut éleva davantage sa voix et recommença la proclamation. Aussitôt le peuple jeta de grands cris de joie. Les jeux furent abandonnés; tous accoururent en foule pour embrasser Flaminius. Ils l'appeloient le bienfaiteur, le protecteur et le libérateur de la Grèce. Il partit ensuite pour aller de ville en ville réformer les abus, rétablir la justice et les bonnes lois, rappeler les bannis et les fugitifs, terminer tous les différends, réunir les concitoyens et réconcilier les villes entre elles; enfin, travailler en père commun à leur faire goûter les fruits de la liberté et de la paix. Une conduite si douce gagna tous les cœurs; ils reçurent avec joie les gouverneurs envoyés par Flaminius; ils allèrent au-devant d'eux pour se soumettre. Les rois et les princes opprimés par les Macédoniens ou par quelque autre puissance voisine eurent recours à eux avec confiance.

Flaminius, suivant son dessein de protéger les foibles accablés.

déclara la guerre à Nabis, tyran des Lacédémoniens; c'étoit faire plaisir à toute la Grèce. Mais, dans une occasion où il pouvoit prendre le tyran, il le laissa échapper, apparemment pour être plus longtemps nécessaire aux Grecs et pour mieux affermir par la durée des troubles l'autorité romaine. Il fit même peu de temps après la paix avec Nabis, et lui abandonna la ville de Sparte; ce qui surprit étrangement les Grecs.

VIII. HISTOIRE D'UN PETIT ACCIDENT ARRIVÉ AU DUC DE BOURGOGNE DANS UNE PROMENADE A TRIANON

Pendant qu'un jeune prince, d'une course rapide et d'un pied léger, parcourt les sentiers hérissés de buissons, une épine aiguë se fiche dans son pied Aussitôt le soulier mince est percé, la peau tendre est déchirée, le sang coule; mais à peine le prince sentit la blessure; il vouloit continuer sa course et ses jeux. Mais le sage modérateur a soin de le ramener; il est porté en carrosse; les chirurgiens accourent en foule; ils délibèrent, ils examinent la plaie, ils ne trouvent en aucun endroit la pointe de l'épine fatale; nulle douleur ne retarde la démarche du blessé ; il rit, il est gai. Le lendemain il se promène, il court çà et là; il saute comme un faon. Tout à l'heure il part; il verra les bords de la Seine; puis il entrera dans la vaste forêt où Diane sans cesse perce les daims de ses traits.

IX. IN FONTANI MORTEM 1

H! fuit vir ille facetus, Esopus alter, nugarum laude Phadro superior, per quem brutæ animantes, vocales factæ, humanum genus edocuere sapientiam. Heu! Fontanus interiit. Proh!

1. Nous ne donnons qu'un seul exemple de sujets de version latine composés par Fénelon pour le duc de Bourgogne. Ce très-court morceau suffira pour prouver que Fénelon écrivait le latin avec infiniment de correction et de grâce.

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