É PODE DIXIÈME. V. 21. Opima quòd si præda, curvo littore Libidinosus immolabitur caper, Et agna tempestatibus. M. Didot, en ponctuant parfaitement ces deux derniers vers avec Jean Bond, Jouvenci, Baskerville et Coustelier a l'air d'y voir comme moi la promesse de deux sacrifices distincts: l'un en reconnoissance aux Dieux de la perte d'un méchant poëte, l'animal, qui doit y être immolé, choisi par une allusion maligne à ce qui a été dit auparavant, libidinosus caper— olentem Mævium: l'autre pour remercier les tempêtes au lieu de chercher à les calmer comme c'étoit l'usage. Dacier, suivi de Sanadon, Batteux et Valart, joint caper et agna, en n'y mettant point de virgule; et il traduit en conséquence: » Je fais voeu » d'immoler aux tempêtes un bouc et une » brebis. S'il avoit apperçu l'autre sens, qui paroît être le véritable, il n'auroit pas eu occasion d'exprimer sa surprise au sujet du bouc » Il n'y a point d'exemple qu'on » ait jamais immolé un bouc aux tempêtes. » Tom. 5, p. 214. C'étoit ici, d'ailleurs, et quelque acception qu'on veuille admettre, un vœu d'une espèce particulière; de manière qu'il n'y avoit pas plus lieu pour Dacier de s'étonner de l'animal destiné au sacrifice, que du sujet du sacrifice lui-même. Batteux imprime et agna, et traduit:» uné » brebis ou un bouc. » La ponctuation de M. Didot ne gagneroit-elle pas quelque chose à la coupure de la phrase incidente, curvo littore porrecta, par le moyen de deux virgules? Cette expression si pittoresque et si vraie, curvo littore, n'échappera pas aux lecteurs qui ont vu la nature avec un œil observateur. Ces epèces d'épithètes sont le véritable sceau du poëte. On ne manquera pas non plus de rapprocher ici, comme deux pièces qui contrastent d'une manière très-piquante, l'invocation touchante au vaisseau de Virgile, et cette boutade amère par laquelle Horace appelle sur celui de Mævius la tempête, le naufrage et la mort; punition un peu sévère pour un mauvais poëte, et qui, si elle étoit littéralement infligée en pareil cas à tous les successeurs de Mævius, forceroit la Manche à offrir un assez triste spectacle entre le pays de Corneille et celui de Shakespeare. Il est à présumer qu'Horace n'écrivoit point ce poëme sans penser à relever la sensibilité qui règne dans l'autre, et sans se souvenir du vers de son ami : Qui Bavium non odit, amet tua carmina, Mævi. CARMEN SECULARE. 180 CARMEN SECULARE. V. 56. Jam Fides, et Pax, et Honor, Pudorque Le lecteur qui a pu remarquer ailleurs ce que j'ai dit des conjonctions, dans la construction de la phrase, considérées relativement aux signes de ponctuation dont elles tiennent ordinairement lieu, ne manquera pas de s'arrêter à ce passage qui paroit ponctué contradictoirement aux regles communes: mais je le rapporte comme une nouvelle preuve de ce que j'ai avancé, qu'il y a des occasions où l'harmonie du sens rend cette ponctuation nécessaire; et M. Didot me paroit l'avoir fort bien senti dans celle-ci. Il est bon de faire observer aussi que cette ponctuation particulière, en suspendant les différentes parties du sens, rend moins choquante ici l'application du singulier audet à un grand nombre de subs tantifs tantifs, parcequ'elle permet à l'esprit de le sous-entendre à chaque virgule. Le singulier intulerat, au 1er. vers cité de la page 156, est dans le même cas, si on adopte la ponctuation qui sépare le second vers du troisième. Enfin, je ne terminerai pas ce dernier article sans témoigner que, si j'ai quelquefois été en opposition avec l'Imprimeur de la France, sur des questions de peu d'intérêt, personne n'a plus à cœur, comme auteur, de manifester l'estime que je professe pour celui dont j'espère employer les presses à la publication des éditions que je prépare; et à qui on peut bien appliquer les vers de son Horace : neque, Si Didot sileat quod bene feceris, Mercedem tuleris. Od. 8. lib. 4. 2. 20. |