Aristote se plaint de ce qu'on ne pouvoit pas lire les ouvrages d'Héraclite sans risquer d'y faire quelque contre-sens. Rhet. III. 5. Celui de tous les auteurs modernes, qu'on croiroit avoir accordé le moins d'importance à la ponctuation, est Montaigne; mais l'auteur de ces essais, si négligemment écrits en apparence, sentoit si bien l'utilité de cet art, qu'il y a dédié presque la moitié d'un avis très-curieux à son imprimeur. << Outre les corrections qui sont en cet » examplere il y a infinies autres à faire de » quoi limprimur se pourra aviser, mais » regarder de pres aus poincts qui sont en » ce stile de grande importance. « Qu'il uoie en plusieurs lieus ou il y a » des parantheses s'il ne suffira de distin»guer le sens aveq des poincts. » C'est un langage coupé qu'il n'y espar»gne les poincts et lettres maiuscules. Moi > mesme ai failli souvant a les oster et a » mettre des comma ou il falloit un poinct.» Essais de Montaigne, Paris, Didot, stér. 1802. Tom. I. pag. IX. Cependant, cet art de si grande importance a été tellement négligé, que le savant Beauzée, dans sa Grammaire générale dont la seule édition est de 1767, témoigne, pag. 567 du tom. 2. « que les principes en » étoient même alors incertains et nulle» ment fixés par l'usage uniforme et cons> tant des bons auteurs. » Que diroùs-nous donc aujourd'hui de l'usage des bons et même des mauvais imprimeurs de tous les meilleurs classiques? Dans cette première tentative faite avec le dessein d'éclaircir par la ponctuation un des auteurs qui ne l'ont pas connue, j'ai cru à propos de faire précéder chaque article par l'exposition du passage que j'examine, tel que l'auteur l'a écrit, c'est-à-dire sans points. C'est même une idée que je soumets aux savans, s'ils ne feroient pas bien d'étudier ainsi les auteurs anciens ; et si une édition, imprimée de manière à représenter parfaitement le manuscrit, ne seroit pas la plus utile à consulter pour des commentateurs judicieux. 4 AD O DE I. MECENATE M. MACENAS atavis edite regibus O et præsidium et dulce decus meum Terrarum dominos evehit ad Deos Seu Seu rupit teretes Marsus aper plagas Suivant la manière de lire les 36 vers de cette ode, c'est-à-dire de les ponctuer, on peut en changer le sens, et, selon moi, l'éclaircir, en cinq endroits différents. 1o. D'après la ponctuation de toutes les éditions les plus estimées, et particulièrement de celle qui fait tant d'honneur aux presses et au savoir de M. Didot ( Parisiis, 1799, in-fol. max.), ce sont meta et palma qui élévent (evehit) les vainqueurs des jeux Olympiques au rang des Dieux; ce complément de la pensée du poëte étant toujours séparé du mot juvat, dans ces éditions, par deux points ou par point et virgule. L'Edition de Paris, 1543, in-fol. et les autres éditions anciennes qui ne mettent qu'une virgule après juvat, et le poëte lui même en écrivant sans aucun point, laissent dumoins au lecteur la liberté de construire ce passage avec moi ou avec les éditions ordinaires. Or, suivant mon opinion, curriculo pulverem collegisse metaque fervidis evitata rotis, sont les deux choses qui charment l'ambitieux dont le poëte parle d'abord; car personne ne contestera que ce ne soit de ces deux choses que se compose l'idée de la course Olympique. Le vainqueur dans cette course est donc élevé au rang des Dieux par le prix qu'il y a gagné, palma nobilis ; et non pas par ce prix combiné avec la moitié de l'idée de la course. Ainsi, je propose d'arrêter le lecteur après le mot rotis, et non après le mot juvat. Cependant, on trouve souvent des passages qui paroissent analogues, mais qui éxigent une ponctuation absolument contraire ce qui prouve la difficulté et la délicatesse de la ponctuation. Par exemple, M. Didot s'est très-bien servi de cette manière contraire de ponctuer, dans le passage suivant: |