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INÉDITS

DE LA CORRESPONDANCE

DE M. GRIMM.

DISCOURS sur les progrès des Connaissances humaines en général, de la Morale et de la Législation en particulier; lu dans une assemblée publique de l'Académie de Lyon par M. S*** (Servan), ancien Magistrat.( 1781, un vol. in-8°.)

CE discours a fait la plus grande sensation dans l'assemblée nombreuse où il a été lu; l'auteur l'a fait imprimer ; mais on n'en laisse répandre à Paris qu'un très-petit nombre d'exemplaires; il ne sera pas difficile d'em deviner la raison lorsque nous en aurons fait connaître le plan et les détails les plus remarquables. Voici de quelle manière l'auteur présente lui-même le tableau de son sujet.

Au règne de l'imagination et des beaux-artsa succédé celui d'une raison plus sévère, de

la méthode et de l'observation. Si j'avais à représenter cette révolution dans un tableau, je peindrais un génie qui, las d'imaginer, appuie sa tête sur sa main pleine encore de pinceaux, et semble s'y reposer en méditant.

En suivant la trace de l'esprit humain, on peut remarquer que les beaux-arts se sont avancés constamment du Midi vers le Nord, tandis que la philosophie est arrivée du Nord vers le Midi; et pour peu qu'on observe, on s'aperçoit que l'union de tous ces arts de l'esprit commence à répandre sur notre hémisphère un jour plus pur et plus doux. Mais ce qui caractérise le plus ce siècle, c'est l'amour de l'utile, et le dégoût de ce qui n'est que curieux; partout vous trouverez la vérité marcher à grands pas vers les besoins réels de l'homme.

On examine quelle a été la cause et l'histoire de ce progrès, à quel terme il est parvenu, jusqu'où il peut aller. L'histoire de l'homme mosuivant notre auteur, quatre grandes époques, l'agriculture, la monnaie, l'écriture et l'imprimerie.

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Il faut le répéter, dit-il, le plus grand ressort de l'esprit humain, ce fut sans doute l'imprimerie. Avant l'invention de cet art, les siècles qui se servent maintenant d'héritages, ne

se servaient que de barrières, et l'esprit humain n'était guères que l'esprit de quelques hommes du même temps et du même pays....

Il ne restait de la Grèce et de Rome que des manuscrits égarés, que le temps, le hasard et les insectes auraient infailliblement tôt ou tard anéantis. Figurez-vous, Messieurs, quelques hommes de génie surnageant à peine sur le torrent des siècles, et disputant leur immortalité avec des feuilles à demi rongées, comme dans un naufrage quelques infortunés disputent leur vie avec une planche ; ils allaient être angloutis et l'esprit humain avec eux, lorsque cet art nouveau, maître du monde, promulgue ses lois ; à l'instant la raison arrachée au naufrage, immobile et paisible sur le bord de ce torrent du temps, vit tout passer, vit tout périr, excepté ses pensées, devenues immortelles et publiques; ces marbres, cet airain, le dernier dépôt comme le dernier espoir de la gloire des plus grands hommes, disparaissent à chaque instant; tandis qu'une feuille légère, qu'un souffle enlève, qu'une étincelle consume, était désormais une base éternelle pour le génie et pour la vertu... Mais ce qui véritablement a rendu l'art de l'imprimerie le législateur de l'esprit humain, n'est pas tant d'avoir éternisé les pensées que d'en

avoir changé le tribunal : l'œil maintenant est juge de l'esprit que l'oreille jugeait presque seule autrefois.... L'oreille est l'organe de la passion, l'erreur y glisse jusqu'au fond de l'âme sur une pente rapide; l'œil, au contraire, semble répandre au-dedans la lumière qu'il recueille au-dehors; c'est dans l'œil que la vérité, comme dans un creuset, s'épure lentement au feu d'une lampe solitaire; c'est de là et non d'une école bruyante, qu'elle sort avec un éclat sans mélange; c'est de-là que, multipliée et toujours conservée, sa lumière pénètre insensiblement de connaissances en connaissances, de climats en climats.

A la tête des hommes qui ont influé le plus puissamment sur l'esprit et les opinions de leurs siècles, sont placés Voltaire et Rousseau : les académies ne marchent qu'à la suite de ces deux grands hommes. La manière dont on caractérise le premier n'a rien de fort remarquable; mais on dit de l'autre deux choses, l'une trop vraie, et-l'autre passablement ridicule : Il désespère son siècle, tantôt en lui révélant des maux incurables, tantôt en lui prescrivant des remèdes impraticables. Il poussa paradoxe jusqu'à soutenir que c'était un luxe d'être deux. Jean-Jacques peut bien avoir dit

le

des choses plus absurdes, mais il n'a jamais employé une expression qui le fut autant.

On passe en revue toutes les sciences, on peint l'esprit de Fontenelle qui les embrassa toutes, qui créa, pour ainsi dire, l'art nouveau de répandre de la lumière et des grâces sur les connaissances même les plus abstraites. On indique ce que l'histoire naturelle doit au Pline de la France; la physique, aux recherches des Réaumur, des Nollet, des Franklin ; les mécaniques, au génie de Vaucanson; la géométrie et la chimie aux d'Alembert, aux Euler, aux Margraff, aux Macquer; la chirurgie à l'art des Pouteau, des Louis, des Lecat; la médecine et la théologie au progrès général de l'esprit philosophique; la morale et les lois aux Locke, aux Helvétius, aux Montesquieu, aux Beccaria; le commerce, à Guillaume-Thomas Raynal.

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« Raynal, dit notre orateur, tu es hommé, tu t'es trompé, et je te plains; mais s'il » parut utile de te condamner pour les erreurs » de ton ouvrage, n'est-il pas noble de te pour ses vérités ? Eh quoi! tous les » gouvernemens humains regorgent de tribunaux qui punissent, et nous n'en avons pas

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qui récompense ».

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