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38 LETTRES SUR LA LITTÉRATURE ALLEMAnde.

achever un poëme épique, dont il a fait imprimer les premiers chants sous le titre de Messie. Le sujet en est beau, et sans contredit plus grand que celui de Milton. On assure que le poète l'a traité avec toute l'élévation dont son poëme est susceptible, et qu'il se fait lire malgré le défaut de machines et d'action qu'il doit nécessairement avoir.

Il faudrait, je le sens bien, joindre ici des morceaux de nos plus célèbres poètes, pour mettre vos lecteurs en état de juger par euxmêmes; mais je n'en ai pas le courage, et je ne me pardonnerais pas d'avoir détruit, par une traduction faible, la bonne idée que j'ai tâché de donner de leur mérite. Je fais si peu de cas de toutes les traductions des poètes, que j'aurais doublement mauvaise grâce à entreprendre de traduire les nôtres dans une langue qui m'est étrangère. J'ai l'honneur, etc.

Paris, le 20 novembre 1750.

LETTRE

DE M. GRIMM

SUR OMPHALE,

TRAGÉDIE LYRIQUE,

REPRISE PAR L'ACADÉMIE ROYALE DE MUSIQUE LE 14 JANVIER 1752.

Ingenium cui sit, cui mens divinior, atque os
Magna sonaturum, des nominis hujus honorem.

1752.

DE M. GRIMM

SUR OMPHALE,

Tragédie lyrique, reprise par l'académie royale de musique le 14 janvier 1752.

ΑΙ

J'AI osé condamner Omphale, Madame, avant que de savoir que vous la protégiez. Vous m'ordonnez de justifier en public mon jugement, et vous avez raison sans doute; j'ai besoin d'une justification pour avoir jugé de la musique française, et beaucoup plus encore, pour n'avoir pas été de votre avis.

Je ne veux point renouveler ici les parallèles usés de la musique européenne et de la musique française, car comme tous les juges sont parties, c'est un procès qui ne finira jamais. J'en parlerai seulement, autant qu'il est nécessaire, pour autoriser la liberté que je prends d'examiner cette dernière ; autrement, au lieu de peser mes raisons, on me demanderait peutêtre de quel droit je me mêle d'en parler.

Je n'ignore pas que toutes les fois qu'il est question de leur musique, les Français refusent nettement la compétence à tous les autres peuples, et ils ont leurs raisons pour cela. Cepen

dant quand ces mêmes Français nous assurent que la musique chinoise est détestable, je ne crois pas qu'ils se soient donné la peine de prendre l'avis des Chinois pour prononcer ce jugement. Pourquoi nous ôteraient-ils, par rapport à eux, au moins sur la musique, un droit dont ils usent très-librement, et sur plus d'un point, à l'égard des autres nations?

La musique italienne promet et donne du plaisir à tout homme qui a des oreilles, il n'y faut pas plus de préparation que cela. Si tous les peuples de l'Europe l'ont adoptée, malgré la différence des langues, c'est qu'ils ont préféré leur plaisir à leurs prétentions.

Je crois donc pouvoir dire que, la fin de la musique étant d'exciter les sensations agréables par des sons harmonieux et cadencés, tout homme qui n'est pas sourd, est en droit de décider si elle a rempli son objet ; j'avoue que pour bien juger une musique nationale, il faut de plus connaître le caractère de la langue par rapport au chant, et c'est aussi une étude que j'ai tâché de faire : si je dois me flatter de quelque succès, c'est ce que j'apprendrai de vous, Madame, après la lecture de cette lettre.

Commençons donc par admettre le genre; c'est ce que je fais très-sincèrement, et je lui

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