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Le milieu, c'est-à

Review; et semblent parfois se confondre. dire la société, exerce une influence sur le caractère de l'homme; donc, dit-on, la religion doit agir sur la société pour que son influence soit bonne. Mais comment? Certains théologiens reprochent à la Review de trop pencher du côté social, et pas assez du côté religieux, au lieu d'admettre qu'il y a un Évangile pour les sociétés et en même temps un Évangile pour les individus. Les critiques ne semblent en reconnaître qu'un, et avec raison, car les deux pourraient se contredire. Je suis même assez disposé à croire qu'ils se contredisent, car la Review tend à atténuer la gravité des atteintes à la propriété que projette le socialisme; elle insiste aussi un peu trop sur l'inégalité des fortunes, insistance qui n'aidera pas ses adhérents à se contenter de leur sort, à arracher T'envie de leur cœur, à chercher à acquérir les vertus que l'Evangile recommande. La Review défend l'intervention croissante du gouvernement dans les affaires économiques, bien qu'elle sache que cela vient, en partie, de causes politiques très égoïstes, this is due to the selfinterested desire of political parties to win popularily p. 537). Nous ne pouvons multiplier ici les citations; si l'espace le permettait nous montrerions que l'économique s'occupe des intérêts terrestres, et la théologie des intérêts célestes, et que, si l'on veut les mêler, on s'expose à rester entre le ciel et la terre, dans la région des nuages.

The Quarterly Journal of Economics, publié par l'Université de Harvard, Boston, G. H. Ellis, octobre 1895. Signalons un article étendu, et remarquable, de M. W. Lexis sur le dernier (3) volume du Capital de Karl Marx (publié par Fréd. Engels). On sait que le principal ouvrage de Karl Marx, Das Capital, dont le tome 1er a été traduit en français, est considéré comme l'exposé du socialisme « scientifique », mais plus exactement, un exposé du socialisme qui affecte une forme scientifique. La forme qui cherche à être concise, qui prétend définir avec rigueur, qui va de déduction en déduction peut être qualifiée de scientifique, mais le fond ne constitue pas une science, car le point de départ de la doctrine consiste en hypothèses démenties par les faits; les définitions sont fausses et la logique des conséquences peut souvent être contestée. Le tome 1er traite de la production, le tome II de la circulation et le tome III, d'environ 870 pages, est destiné à donner une vue d'ensemble de la production, en sortant un peu de l'abstraction pure pour se rapprocher de la réalité.

Ce qui a permis à Karl Marx de donner un aspect scientifique à ses démonstrations, c'est qu'il s'est emparé d'une abstraction qu'on trouve déjà chez Ad. Smith et Ricardo en la poussant, il est vrai, jusqu'à l'absurde Cette abstraction c'est : « Le travail est l'origine de la valeur. » Ad. Smith et Ricardo ont corrigé ce que cette proposition avait de trop absolu en faisant la part du capital; Karl Marx ne voit que le travail; pour lui la valeur, c'est du travail cristallisé, ou solidifié, ou matérialisé; souvent aussi il dit incarné dans un objet. La valeur, me permettrai-je de dire, est une chose purement abstraite; cela n'existe pas tout seul; ce qui existe dans la réalité, c'est, d'une part, l'utilité (valeur d'usage), de l'autre, le prix (valeur d'échange). Ces deux acceptions du mot, qu'Ad. Smith a déjà relevées, et les autres qu'on pourrait ajouter, tendent à prouver que la science économique, qui doit peindre la vie réelle, devrait rayer ce chapitre dans ses traités. Mais un pareil mot devait précisément aller à Karl Marx, comme base de sa dialectique1.

Donc, point de valeur sans travail et par conséquent la valeur est proportionnelle à la quantité du travail mesurée par sa durée 2. Et qu'est-ce que le capital, selon Karl Marx? Pendant quelque temps nous n'avons qu'une définition le capital c'est l'argent qu'on donne aux ouvriers en échange de leur travail. Le travail seul produit, par conséquent, tout intérêt et tout bénéfice (la part du capitaliste et de l'entrepreneur) ont été volés aux ouvriers. Et comment? Vous croyez peut-être que le fabricant va enfermer ses mille ouvriers dans une cave, qu'il leur lie les mains sur le dos, leur fouille les poches et s'empare d'une partie de ce qu'il y trouve? Non, il s'y prend plus adroitement. Il loue les ouvriers pour une « journée », pour un prix que les OUVRIERS fixent. Or, pour les ouvriers, la « journée » est de six heures et ils fixent les prix en conséquence. Le fabricant les loue à ce prix; mais quand, au bout de six heures, les ouvriers font mine de s'en aller, le fabricant les arrête et dit pour moi la journée est de douze heures. Vous la vendez à sa valeur d'échange (6 heures), et moi je l'achète à sa valeur d'usage (d'utilité) qui est de douze heures.

1 Au lieu de dire quel est le prix de cela ? on demande souvent combien vaut cela? Les économistes ont donc cru devoir faire une place à la valeur. Mais c'est la bouteille à l'encre.

2 C'est la définition usuelle, mais elle est fausse, car l'heure de K. Marx ne se compose pas de soixante minutes, mais d'une quantité déterminée de produits.

Et les ouvriers trouvent cet argument bon et travaillent douze heures afin que le fabricant ait un bénéfice gratuit, immérité. Cet argument m'a toujours paru niais ou stupide, même les deux ensemble. Et dire que ces stupidités sont acceptées par des savants distingués! C'est qu'ils veulent être à la mode, comme mesdames leurs épouses!

Or ces six heures que les ouvriers donnent pour rien au patron produisent le fameux mehrwert qu'on traduit par « plus-value »; il renferme les intérêts du capital et le bénéfice de l'entrepreneur. Ainsi, direz-vous d'abord, on ne donne rien au capital; il faut pourtant des instruments, machines, etc., et des matières premières? Karl Marx a prévu l'objection. Il y a deux sortes de capital, dit-il le capital constant et le capital variable; ce dernier seul est l'argent payé aux ouvriers; le capital dit constant représente les machines, les matières premières, etc. Et quelle est leur part? On restitue simplement ce qu'on a détruit. Vous avez employé 100 kilogrammes de fer; vous rendez 100 kilogrammes de fer, et vous êtes quitte; vous avez employé des machines; vous en avez usé le dixième; vous remplacez ce dixième et tout est dit. Et le patron? On s'en moque. Tout au plus est-il sous-entendu que s'il a travaillé x heures, on lui payera x heures au même taux que l'ouvrier. Du reste il n'y a qu'un taux, toujours le même : une heure vaut une heure.

Il y aurait encore beaucoup à dire, à titre d'introduction, pour faire comprendre le 3 volume du Capital de Marx, où il est surtout question des frais de production et du « profit », et du profit moyen et d'autres choses qui prétendent rapprocher les théories marxiennes de la réalité réelle. Il faudrait aussi ajouter des développements pour que le lecteur puisse goûter l'excellente analyse de M. le prof. Lexis, mais l'espace ne le permet pas. Nous devons cependant constater que M. Lexis, qui est pourtant très bienveillant, sympathique même pour K. Marx, reconnait en plusieurs endroits de son article de 33 pages que les idées de K. M. sont fausses, que ses hypothèses sont imaginaires, ses abstractions complètement vides, qu'il n'a rien ajouté à la science. Si néanmoins M. Lexis est favorable dans une certaine mesure — à K. M., c'est que le savant professeur de Gættingue est un éminent mathématicien et que K. M. emploie volontiers les x, les y et les z, sans oublier le fameux m, le 10, le c et le v et autres initiales du nom des boules avec lesquelles K. Marx jongle (1).

(1) P. ex. mehrwert, constant et variable.

Seulement, précisément parce que M. Lexis est mathématicien, il peut être séduit par la forme, mais non trompé sur le fond. Néanmoins, soit dit en passant, appliquée à une science psychologiqne comme l'économie politique, la mathématique fait mille fois plus de mal que du bien; je pourrais en citer bien des preuves, même jusque dans les propres travaux de M. Lexis.

Au grand étonnement de ceux qui ont lu les recensements des États-Unis, on a fait la découverte que, dans cette contrée, beaucoup plus de la moitié des familles sont de simples locataires de leurs logements, ou cultivent la terre en qualité de fermiers. On a eu de la peine à revenir de son étonnement. Dans les grandes villes plus de 90 p. 100 des habitants sont locataires, mais la proportion est encore forte dans les petites villes, et M. G. N. Holmes entre sur ce point dans d'intéressants détails. L'auteur s'est enquis des causes du phénomène, et il a trouvé trois raisons pour l'expliquer : 1o beaucoup de personnes ne sont pas assez riches pour acquérir une maison méme petite; 2o d'autres ne veulent pas devenir propriétaires de leur habitation avant d'avoir fait fortune, pour n'être pas forcés d'acheter du trop petit, elles demeurent transitoirement en location; 3° d'autres encore ne veulent pas se lier, pour pouvoir profiter des occasions qui peuvent se présenter ailleurs. Leur propriété serait un lien, une gène. Quant au fermage des terres dans une contrée où le sol inculte est encore surabondant, la cause du nombre relativement grand des fermiers est la pauvreté ; d'ailleurs un grand nombre de noirs sont fermiers, parce qu'il leur manque les qualités nécessaires pour s'enrichir. Nous avons dû passer bien des détails curieux.

Comme « mesure de la valeur » M. J. W. Bascon semble préfé~ rer l'or au bimétallisme, parce que la valeur d'un métal serait plus stable que celle de deux. Il a raison.

Enfin, M. F. W. Taussig cherche à déterminer la place (la fonction, l'action, la part?) de l'entrepreneur dans la distribution, mais ne me semble avoir touché qu'à un coin de la question.

The Theory of transportation (La théorie des transports), par Ch. H. Couley. Publication de l'American Economic Association, 1894. L'auteur a voulu écrire une théorie des transports en sc plaçant à un point de vue sociologique, ce qui veut sans doute dire qu'il s'occupera surtout des causes et des effets. L'auteur a pensé à tous les modes de transport, par terre et par eau; il a bien classé les matières, mais il ne me semble pas avoir ajouté de

grandes découvertes aux notions accumulées par ses prédécesseurs. L'un des points qu'il touche est la formation des villes, et, notamment, l'influence que les transports ont eue sur le choix de leur emplacement. Il y a d'abord les causes militaires et plus ou moins politiques: sécurité, facilité de la défense, protection des alentours, etc. Parmi les causes économiques, l'auteur mentionne les suivantes : l'intérêt du développement de la division du travail, la concentration de la population et des richesses permettant de se servir avec plus d'efficacité des forces naturelles; puis les facilités que la contrée fournit à la production et surtout à la distribution des marchandises. Mais avant tout c'est la configuration du sol qui invitera à la fondation des villes. A l'endroit où un mode de transport devra se transformer en un autre, les marchandises devront faire un séjour. Mais quand il faudra charger par des bateaux des denrées, venues par terre, ou quand la voie fluviale aboutira à la mer des populations s'aggloméreront; il faudra des ports, des magasins, des machines; des industries diverses, des commerces accessoires s'établiront, etc. Les détails que l'auteur donne sur les divers modes de transport me semblent

connus.

M. H. W. Wolf a publié : A Peoples Bank Manual (Manuel des banques populaires), Londres, P. S. King et son. C'est une publication de 48 pages, qu'on peut mettre dans sa poche, et qui semble très pratique à tous les points de vue. L'exposé est simple, clair et sans prétention.

Iahrbücher für Nationalækonomie, etc. (Annales d'économie politique, etc)., dirigés par MM. Conrad, etc., Iéna, G. Fischer, sept. 1895. Nous passons un article sur l'histoire de la lettre de change et un autre sur la circulation fiduciaire à base d'or, pour nous arrêter un moment sur l'histoire d'une coutume silésienne qui date des Carolingiens et qui n'a cessé, par désuétude, qu'en 1822, après avoir perdu toute signification. Cette coutume s'appelait Dreiding, terme qu'à première vue on est tenté de traduire par trois choses, mais le ding était une journée ou session de tribunal dont il n'y avait qu'une du temps des Carlovingiens, plus tard trois et même davantage; mais on ne comptait pas les journées supplémentaires. Au temps de Charlemagne c'était un comte envoyé par l'empereur qui venait tenir une session judiciaire en son nom, et c'était alors une journée solennelle; tous les hommes libres étaient tenus d'être présents (ding peut aussi être traduit

T. XXV. - JANVIER 1896.

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