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ruption dans le quartier chrétien, massacrant tous les êtres mâles qui faisaient résistance, arrachant les femmes et les jeunes filles du foyer. Jusqu'au soir, ce fut un grondement sauvage; pendant la nuit, la populace pilla et elle sortit du quartier chrétien chargée du butin. Le lendemain, 29 décembre, un dimanche, les rues étaient rouges de sang, les chiens errants dévoraient les cadavres, on traînait à la corde les corps hors des portes de la ville. Les chrétiens survivants avaient abandonné leurs maisons; ils s'étaient réfugiés dans leur petite cathé drale, croyant y être en sûreté. C'est alors que la populace se rua aux portes pour les faire sauter à coup de hache; l'évêque arménien, un vénérable ecclésiastique qui avait sollicité la protection du gouverneur, se plaça devant l'entrée, suppliant les forcenés d'épargner les deux mille hommes, femmes et enfants réfugiés dans l'église. Le malheureux tomba criblé de coups; les forcenés passèrent sur son corps et pénétrèrent dans la basilique, où le massacre recommença. Des misérables lançaient par les fenêtres dans l'église des paquets de paille imbibée de pétrole, auxquels on mit le feu, et la fumée asphyxia ceux que les balles et les couteaux avaient épargnés. Au dehors, de fanatiques imans annonçaient à la foule l'hécatombe à la gloire de Dieu et du prophète !

On estime qu'en ces deux journées 4.000 personnes ont péri. Des centaines de filles et de femmes, dont les vêtements avaient été déchirés, auxquelles on avait arraché les bijoux, furent vendues pendant que les corps des leurs étaient piétinés dans les rues.

Ce furent les israélites qui reçurent l'ordre d'effectuer la lugubre corvée, celle de traîner dans les fossés de la ville les milliers de cadavres qui encombraient l'intérieur de la cathédrale ou gisaient dans les rues. Ces malheureux, plus morts que vifs, se mirent à la besogne, puis, peu à peu, ils imitèrent les musulmans en arrachant aux corps les bijoux et tout ce qui avait quelque valeur.

Aujourd'hui, le quartier chrétien d'Orfa n'est plus qu'une ruine, les survivants errent épouvantés dans les maisons saccagées, ou attendent dans les cachots que les puissances chrétiennes envoient quelques consuls pour s'informer de ce qui s'est passé.

L'augmentation du nombre des fonctionnaires et de leurs pensions. On lit dans le Journal des Débats :

L'administration des finances vient de publier une série de tableaux que nous recommandons à la commission du budget. Il s'agit de la progression vraiment inouïe des pensions civiles et militaires. En 1854, ce service exigeait une annuité de 45 millions environ dont 10 millions

pour les pensions civiles et 25 millions pour les pensions militaires. Vingt ans plus tard, en 1884, nous relevons le chiffre de 29 millions pour les pensions civiles et de 90 millions pour les pensions militaires. Enfin, en 1896, le service des pensions civiles et militaires impose au budget une dépense de 199.345.387 francs. Il va sans dire que ce chiffre représente seulement la part contributive de l'État dans le payement des pensions, non compris des retenues opérées sur les traitements des fonctionnaires. Ainsi, bien que depuis 1854 le chiffre de la population ne se soit guère accru et que le nombre des affaires n'ait pas sensiblement augmenté, l'effectif des fonctionnaires a plus que quadruplé. Et encore cette somme de 200 millions, qui nous parait excessive, sera-t-elle fatalement dépassée. Depuis quelques années, on a créé par centaines des emplois, et on en crée tous les jours de nouveaux. A l'heure actuelle, ces récents fonctionnaires ne grèvent pas la Caisse des retraites; mais dans quelques années, étant donnée surtout l'habitude des retraites prématurées, il faut s'attendre à voir s'enfler démesurément le chapitre des pensions. Cette perspective devrait donner à réfléchir à la Chambre, et l'engager à se montrer moins coulante pour toutes des demandes de crédits relatives à l'augmentation des fonctionnaires.

Il y a malheureusement apparence que les réflexions de la Chambre n'auront pas la vertu d'arrêter le débordement des crédits.

Bien convaincus que les malades sont faits pour les médecins et non les médecins pour les malades, les internes des hôpitaux et hospices de l'Assistance publique, disciples de M. Méline, viennent de signer à la presque unanimité la pétition suivante :

I. — Tout étranger pourra prendre ses inscriptions dans une Faculté de médecine; mais le diplôme de docteur ne lui sera donné qu'à titre étranger, sans lui conférer aucun droit à l'exercice, en France.

II. Nul étranger ne pourra exercer la médecine en France, s'il n'est naturalisé, s'il n'a pas fait son service militaire, s'il n'est pas bachelier.

Comme le remarque le Siècle, il y a sur le littoral de la Méditerranée un bon nombre de malades anglais qui tiennent absolument à se faire soigner par des médecins anglais, quoique ceux-ci n'aient pas l'avantage d'être bacheliers. Les médecins s'en iront et les malades les suivront. Qu'y gagneront les internes bacheliers de l'Assistance publique?

En attendant d'être protégés contre leurs concurrents étrangers, les médecins se protègent contre leurs malades. Dans sa séance du 31 décembre 1895, le Syndicat des médecins de l'Hérault a prescrit l'établissement d'un « livre noir », où seront inscrits les débiteurs en retard. Les membres du syndicat s'engagent sur l'honneur à refuser leurs soins à ceux qui y figureront. Nous reproduisons d'après la Justice, ce document syndical et médical:

1. Chaque médecin doit avoir un livre-répertoire et des feuilles d'inscription du modèle adopté.

2. Dans les quinze jours qui précéderont l'assemblée générale, chaque membre du syndicat aura le soin d'envoyer au secrétaire la feuille d'inscription portant le nom des clients à exécuter. Le secrétaire réunira tous ces noms sur une liste unique, dont un exemplaire sera distribué à chaque médecin. Le livre-répertoire sera ainsi facilement tenu au courant, au moyen de cette liste.

3. Les effacements se feront de même, par la feuille d'inscription, pour les clients qui auront acquitté leur dette.

4. Seront passibles d'une inscription au livre noir les clients, notoirement solvables, qui ne se seront pas acquittés envers leur médecin, après les formalités prescrites par l'article 23 du règlement, et après délai moral suffisant. Le bureau vous propose d'ajouter à ces quatre articles déjà votés, les articles suivants :

5. Le livre noir fonctionnera à partir du 1er janvier 1896, et il est obligatoire pour tous les membres du syndicat, c'est-à-dire que tout autre médecin appelé auprès d'un client nouveau doit, avant, ou au moins tout de suite après la première visite, s'assurer que ce client. n'est pas porté au livre noir.

6. Tout membre du syndicat qui désire porter un client sur le livre noir sera convoqué en même temps que le client devant la commission d'arbitrage formée des membres du bureau, et cette commission aura seule qualité pour décider de l'opportunité de l'inscription. Tout client qui refuserait de comparaître devant cette commission serait inscrit d'office au livre noir

7. Tout membre du syndicat s'engage sur l'honneur à consulter ce livre et à refuser ses soins à quiconque y est inserit.

8. Le nom de tous les nouveaux inscrits au livre noir sera lu en assemblée générale.

9. Afin d'éviter que les sociétés de secours mutuels ne deviennent le refuge des clients portés au livre noir, les présidents de ces sociétés seront prévenus qu'ils doivent ou bien refuser l'admission de ces

clients, ou bien les informer que, pour eux, il n'y aura pas de service médical dans la société jusqu'à l'acquittement de la dette.

Le secrétaire généra!,

Dr DIFFRE.

Quoique les gouvernements manifestent une horreur profonde pour les théories socialistes, ils font volontiers, dans la pratique, des concessions au socialisme. Il ne faut pas s'en étonner. Quel but poursuivent les socialistes? c'est l'accaparement de toutes les industries et de toutes les fonctions par l'État, c'est la transformation de tous les citoyens en fonctionnaires. Quel but poursuivent les gouvernements? c'est l'augmentation de leurs attributions et la multiplication de leurs fonctionnaires. Les politiciens de gouvernement et les politiciens socialistes ne sont donc séparés que par une simple question d'opportunité et de mesure. Il y paraît bien en Belgique, où la Chambre composée de conservateurs cléricaux et de socialistes à l'exclusion presque complète des libéraux, vient de voter une loi destinée à réglementer les règlements d'ateliers, malgré les protestations unanimes des industriels. L'effet naturel et inévitable de cette intervention du gouvernement dans la discipline des ateliers sera de la rendre plus difficile à maintenir, partant de décourager l'apport des capitaux dans l'industrie, au détriment mème des ouvriers que la nouvelle loi a pour objet spécial de protéger. Mais si cette loi ne fait pas le bonheur des ouvriers, elle fera celui des fonctionnaires qui mettront la réglementation officielle en œuvre et des politiciens qui les nommeront.

Il y avait pourtant des économistes et même une Société d'économie politique en Belgique. Que sont-ils devenus?

Les ouvriers belges endoctrinés par les socialistes sont décidément en retard de près d'un siècle sur les ouvriers anglais. Ceuxci comprennent, aujourd'hui, parfaitement que les progrès de la machinerie tournent finalement à leur avantage et ils se gardent d'y faire obstacle. De même consentent ils à ce que les industriels économisent la main-d'œuvre et cessent d'employer deux ouvriers où un seul peut suffire. Les tisserands verviétois sont d'un autre avis, bien qu'ils comptent parmi l'élite de la classe ouvrière. Ils se sont mis en grève pour empêcher les industriels d'adopter le système des deux métiers desservis par un seul ouvrier, aujourd'hui en usage en Angleterre. En vain leur a-t-on démontré que la conservation de l'ancien système, ou pour mieux dire de l'ancienne

routine, aurait pour résultat inévitable d'enrayer le développement de l'industrie verviétoise, au profit de sa concurrente anglaise, et à leur propre détriment. Ils n'ont rien voulu entendre. Un de leurs compatriotes, M. Lucien Masson, avait entrepris autrefois de leur apprendre l'économie politique et de les réconcilier avec les machines, mais il n'a pas eu de successeur. Peut-être les industriels verviétois auraient-ils fait une bonne affaire en se cotisant pour lui en donner un.

G. DE M.

Paris, 14 mai 1896.

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