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au nous, il faut sans doute connaître le moi. Quelle idée s'en fait la jeune école? Si nous voulons, dit le même Lazarus, expliquer la forme comme le contenu d'un esprit individuel, nous devrons partir de l'ensemble Logiquement et chronologiquement, la société précède l'individu... ceux qui, par hasard, ont été dès l'enfance privés de son concours, n'ont jamais pu atteindre aux plus humbles privilèges de l'esprit. L'esprit est l'œuvre commune de la société... L'individualité est un produit de l'histoire. >>

Sans nous arrêter à dire que l'esprit est l'œuvre de la société comme Je végétal est le produit de la terre, à condition qu'on y sème la graine, nous voyons que, dans l'esprit ténébreux de Lazarus, le moi doit éclairer le nous, et le nous, qui n'est pas éclairé, éclairera le moi. Allons nous reconnaître dans ces contradictions.

M. Bouglé rectifie, dans sa conclusion, plusieurs erreurs de la nouvelle école; il constate qu'une psychologie sans observation intérieure est inféconde ou même impossible. S'il en est ainsi d'une psychologie individuelle, à plus forte raison d'une psychologie sociale; car l'observation intérieure est impossible en psychologie sociale. Il faut aller de l'individu à la société et non de la société à l'individu, comme on le propose. L'école psychologique ne nous enseignant rien de nouveau sauf des erreurs en psychologie individuelle, nous pouvons être sûrs qu'il n'y a rien à espérer d'elle en psychologie sociale.

ROUXEL.

L'INDUSTRIE DU SUCRE DEPUIS 1869 (1860-1890), par B. DUREAU, in-8°. Paris, Bureaux du Journal des fabricants de sucre, 1894.

L'industrie du « miel sans abeilles » est devenue d'une grande importance, mais ce n'est pas sans peine, et il est curieux de suivre son développement et les obstacles qu'elle a eu à surmonter pour parvenir à son état actuel. Quoique le présent volume traite la question spécialement depuis 1860, dans une introduction assez détaillée, l'auteur donne l'historique des temps antérieurs. Les origines étant ce qu'il y a de plus utile à connaître dans le développement des choses, nous allons donner une petite analyse de cette introduction.

C'est en 1747 que le chimiste prussien Margraff présenta son mémoire sur le sucre de betterave à l'Académie de Berlin; mais ce ne fut qu'en 1797 qu'un autre Berlinois, qui pourrait bien être Français d'origine, Achard, mit la main à l'œuvre, cultiva de la betterave et en fabriqua du sucre. Achard publia le résultat de ses travaux en 1797 et, en 1799, les Annales de chimie contenaient une lettre de ce savant

dans laquelle il donnait la description des procédés qu'il suivait alors pour la fabrication du sucre de betterave, en même temps qu'il faisait connaître son prix de revient et insistait sur les avantages agricoles que procurait la nouvelle industrie.

Sans intervention du gouvernement la sucrerie prit un développement remarquable : « Le progrès de la fabrication de 1825 à 1836 avait été très sensible : 436 fabriques existaient dans 37 départements. La jachère avait disparu partout où des établissements s'étaient fondés. Le département du Nord qui, en 1815, ne cultivait que 94.000 hectares de blé, en avait 115.000. Les résidus de la betterave fournissaient une nourriture abondante et appréciée. »

Les gouvernants, qui s'imaginent toujours que, dès que l'on gagne sa vie sans se plaindre, on roule sur l'or, s'empressèrent de soumettre cette nouvelle industrie à l'impôt et à l'exercice. Le résultat ne se fit pas attendre: «< 166 fabriques ne purent supporter l'impôt, et la production qui, en 1838, avait atteint 49 millions, tomba en 1840 à 22 millions de kilogr. > Bien entendu les fabriques survivantes ajoutèrent l'impôt à leurs factures et le consommateur resta le dindon plus que jamais, puisqu'il fut obligé de payer les fonctionnaires chargés d'appli quer le régime fiscal et de prévenir ou punir la fraude.

«Les réglements édictés de 1836 à 1852, dit M. Dureau, pour déterminer l'application du régime fiscal dans les sucreries de betterave, sont véritablement draconiens Les fabricants de sucre, soumis à une foule d'exigences et de vexations contraires à leur dignité et à la liberté du travail, se voyaient atteints jusque dans leur foyer domestique. La surveillance de la régie était incessante, et les usines étaient ouvertes de jour et de nuit aux employés de l'administration. Nulle communication intérieure ne pouvait exister entre la fabrique et la maison d'habitation, et l'industriel ne pouvait entrer dans le magasin à sucre, examiner, goûter ou montrer ses produits sans en avoir fait ouvrir la porte par le fisc et être accompagné d'un employé de la régie. Les fabriques étaient grillées comme des couvents, et les mailles des grillages avaient un diamètre déterminé pour retenir rigoureusement le sucre qui aurait pu s'en échapper. Les fabricants de sucre étaient constamment tenus en suspicion; la régie, supposant toujours la fraude, les traitait comme des prévenus. »

Ne se dirait-on pas en pays sauvage? Non! jamais les chefs de hordes n'ont établi de pareils réglements et, d'ailleurs, leurs sujets ne sont pas assez « civilisés » pour les supporter.

Le régime de la sucrerie a changé depuis lors. La loi de 1884 surtout, que M. Dureau considère comme la perfection du genre, a produit d'heureux résultats.

« L'industrie du sucre, dit l'auteur, n'a réalisé de progrès vraiment considérables que sous l'influence de la législation fiscale qui la régit actuellement. Il serait peut-être plus exact de dire que cette législation se borne à ne plus empêcher les progrès; mais n'insistons pas.

Les progrès réalisés consistent dans la diminution des frais de fabrication, économie de main-d'œuvre, économie de combustible, rapidité du travail, etc. Dans les anciens comptes de fabrication, nous voyons, par exemple, figurer la betterave pour le prix de 18 francs rendue à l'usine, et les frais de fabrication y entrer pour une somme égale, d'où une dépense totale de 36 francs par 1.000 kilogrammes de racines mises en œuvre. La betterave est payée aujourd'hui de 26 à 28 francs au moins, et comme les frais de fabrication sont de 10 à 12 francs, la dépense totale reste à peu près ce qu'elle était il y a trente ans. Quant au produit en sucre, il a progressé de 5 à 10 p. 100, mais le prix de vente s'est abaissé de 70 à 35 francs.

M. Dureau fait des vœux pour que l'industrie sucrière française jouisse longtemps de ce régime et pour que nos législateurs comprennent que le système d'impôt inauguré en 1884 est le dernier mot de la question.

ROUXEL.

AVANTAGES ET RECETTES A ATTENDRE DU CANAL DES DEUX-MERS DEVENU CANAL MARITIME, par le général D'ELLOY, br. in-8°. Feret et fils, Bordeaux, 1895.

La question du canal maritime reliant la Méditerranée à l'Atlantique à travers le Languedoc et la Gascogne revient de temps à autre en discussion. Ceux qui voudront la reprendre désormais auront fort à faire pour réfuter les arguments contre ce canal présentés dans la brochure que nous avons sous les yeux, car ils sont nombreux et pressants. Laissant de côté les considérations techniques, non pas qu'elles soient de peu d'importance, mais parce qu'elles ne sont pas de notre compétence, nous allons résumer les principales objections économiques et financières.

Considéré au point de vue du transit ou de la navigation intérieure, le canal projeté doit offrir au moins un des trois avantages ci-après : économie de temps; économie d'argent; diminution des risques. Or, d'après les calculs du général d'Elloy pour tous les canaux maritimes, le canal des Deux-Mers vient en queue de la liste, comme procurant une économie de temps qui varie entre 1/10 et 1/24 de la durée de la traversée. Cette économie, qui peut varier entre six et quarante-huit

heures sur le passage par Gibraltar, disparaîtrait même le jour où les vapeurs fileraient de 16 à 18 nœuds.

L'économie d'argent dépendra du coût du passage par le canal. Comparant ledit canal à celui de Suez et à celui de Kiel, on arrive à cette conclusion: ou économie nulle pour les navires, ou recettes nulles pour le canal. Quant au risque, on ne pourra l'apprécier qu'à l'usage; mais actuellement le risque « Gibraltar » ne donne lieu à aucune surprime. Mais on ne peut dire qu'il en sera de même du risque par un canal-ascenseur. »

Si l'on considère ce canal comme entreprise financière, il ne paraît pas appelé à donner d'énormes dividendes. M. d'Elloy calcule le capital engagé dans sa construction, les frais d'entretien et d'exploitation, et, d'autre part, les recettes probables au transit et à la navigation intérieure, et il arrive à trouver pour les premières années, un déficit de plusieurs millions; après dix ans, le bénéfice approche de deux millions; après vingt ans, il serait peut-être d'une quinzaine de millions, soit moins de 1 p. 100 du capital.

En résumé, le canal des Deux-Mers n'aurait, comme voie de transit, qu'une importance fort restreinte; il constitue une voie trop coûteuse pour la navigation intérieure ; pendant un nombre d'années qu'il n'est pas possible de limiter, même approximativement, les recettes seront insuffisantes pour couvrir les frais d'entretien et d'exploitation.

On invoque un autre motif : l'intérêt de la défense nationale; mais le général d'Elloy s'abstient de traiter ce côté de la question. «< Même dans le cadre de réserve, un officier général ne saurait publier son appréciation sur un sujet de cette nature sans y être autorisé par le ministre de la guerre. » Il se borne à observer qu'une flotte anglaise se trouverait immobilisée devant le débouché du canal sur l'Atlantique « comme un chat qui attend la souris à la sortie de son trou ». La brochure du général d'Elloy se vend au profit de la salle d'asile en voie de formation à Taussat (Gironde). Les acheteurs auront ainsi le double avantage de lire et de faire une bonne œuvre.

ROUXEL.

ASSOCIATION DES MAITRES DE FORGES DE CHARLEROI. RAPPORT GÉNÉRAL SUR LA SITUATION DE L'INDUSTRIE MÉTALLURGIQUE EN 1894. In-8°, imp. HenryQuinet, Charleroi, 1895.

L'emploi du fer a pris de grands développements de nos jours, le bois n'est presque plus employé dans les constructions navales; en ce qui concerne les voiliers, il n'entre plus en ligne de compte que pour

1,6 p. 100, tandis que l'acier et le fer y interviennent, le premier pour 97,9 p. 100 et le second pour 0,5 p. 100. Dans la construction des steamers, la production métallique est encore plus forte: 98,6 p. 100 pour l acier, 1,2 p. 100 pour le fer et 0,2 p. 100 pour le bois. Dans les constructions urbaines, le fer remplace aussi de plus en plus le bois pour la charpente, en attendant que le verre remplace les pierres pour la maçonnerie.

Si le fer et l'acier sont largement employés, ils sont aussi largement produits. Les développements pris par leur production tiennent à deux causes principales: 1° les perfectionnements introduits dans la fabrication qui font que les hauts fourneaux sont obligés de produire en grande quantité afin de diminuer les frais et le prix de revient. Si le libre-échange existait, il s'établirait le nombre nécessaire de hauts fourneaux, dans les lieux et les conditions les plus économiques, c'est-à-dire à proximité des matières premières et des voies de communication, et l'équilibre s'établirait et se maintiendrait entre la demande et l'offre des produits métallurgiques. Mais du système protecteur il résulte que chaque nation veut produire son fer, son blé, etc. C'est là la seconde cause de l'augmentation de production et la seule cause assignable de la surproduction dont les métallurgistes de tous les pays se plaignent, tout en continuant de surproduire.

Le Rapport que nous avons sous les yeux constate, en effet, que la production augmente, malgré la baisse continue des prix. De tous côtés les usines se multiplient. « Il y a vingt ans, une seule usine produisait un peu d'acier sur sole en Ecosse. Le nombre de ces établissements s'élève actuellement, pour l'Ecosse seule, à une dizaine dont les moins importants produisent 50.000, 60.000, 65.000, 70.000, et les plus importants de 130.000 à 140.000 tonnes par an. La production écossaise pour 1895 est évaluée à plus de 1 million de tonnes. Quant à la production pour l'ensemble du royaume et pour la même année, on l'estime à plus de 3 millions de tonnes.» Un mouvement analogue se manifeste non seulement en France, en Belgique, en Allemagne, mais aux États-Unis, en Italie, Espagne, Autriche-Hongrie, Russie, Inde, Japon, Chine, Mexique, Chili.

Sous prétexte d'enrayer la surproduction, l'Allemagne a établi des syndicats; mais « malgré la réduction de production imposée par les syndicats, celle-ci a haussé, grâce aux perfectionnements apportés dans les installations. Elle a passé de 4.953.148 tonnes en 1893 à 5.559.322 tonnes en 1894 ».

Pour trouver le placement de cette surabondance de produits, l'Allemagne a imaginé un moyen aussi ingénieux que profitable... aux étrangers le prix de vente pour l'exportation est de 20 p. 100 au-dessous du prix dans le pays même; « chose plus grave encore pour les

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