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des observations, l'induction spéculative devra pénétrer ces faits, les analyser en leurs éléments et, à l'aide de la déduction dégager les causes et les rapprocher des effets. Quelquefois il faudra passer par des hypothèses, mais une fois le rapport causal bien établi, on aura la vérité exacte, générale et perpétuelle. Nous renvoyons à la Revue précitée pour les développements.

Handwærterbuch der Staatswissenschaften (Dictionnaire des sciences politiques, publié par MM. les professeurs Conrad (correspondant de l'Institut de France) Elster, Lexis et Ed. Læning. (lena, Gustave Fischer, 1895) Supplément I.-Les six gros volumes de l'ouvrage principal ont eu un si grand succès que l'éditeur et les rédacteurs se sont dit: Noblesse oblige et se sont mis à chercher les lacunes, pour les combler, et à ajouter tout ce qui a paru nécessaire pour mettre l'œuvre à jour. Ce supplément, qui sera suivi d'un tome II, a donc un intérêt d'actualité. Ainsi je vois avec satisfaction que mes vues sur une question des plus actuelles, la crise agricole, sont confirmées par les faits cités par M. Conrad, qui est d'une compétence spéciale en ces matières. La crise qui sévit dans presque tous les pays de l'Europe a deux causes principales: 1o la diminution du prix des céréales et autres produits de la grande culture (sucre, eau-de vie) et 2o l'accroissement des frais de culture, surtout des salaires et des impôts. Le Dictionnaire (Handwærterbuch) nous donne sur ce point des renseignements puisés à bonne source, qu'il semble inutile de reproduire, le fait de la baisse de ces prix étant incontestable et incontesté. Mais l'on n'ignore pas non plus que les prix de la viande, le prix du beurre, des œufs et en général les produits animaux, comme d'ailleurs celui de certains végétaux (pommes de terre, pois, etc. et surtout les fruits) n'ont cessé de s'élever. Aussi M. Conrad est-il d'avis, comme moi, que le grand propriétaire souffre presque seul de la crise, le paysan proprement dit (moyenne et petite culture) qui vend son lait, ses poules, ses œufs et ses fruits plutôt que du blé, trouvant d'amples compensations dans la hausse de ces produits. On comprend que l'espace ne permet pas d'exposer ici et de discuter les efforts faits pour adoucir cette crise dont la portée est très grande tellement deux mesures vraiment extraordinaires - 1" celle

que

de charger le gouvernement de l'importation du blé pour le vendre à des prix rémunérateurs pour le producteur, et 2o de décréter la <«< réhabilitation de la monnaie blanche », à un moment où l'or surabonde, ont pu trouver presque une centaine d'adhérents parmi les

députés prussiens. Mais si nous ne pouvons pas nous étendre sur ces faits-là, nous pouvons bien les signaler comme un argument de plus contre l'impôt progressif sur le revenu. N'est-ce pas singulier qu'on veuille accabler le riche et décharger le pauvre à un moment où les revenus des grands propriétaires sont fortement réduits et où le prix de la vie a diminué pour le pauvre.

Parmi les autres articles qui ont été repris et développés dans ce volume, citons les sociétés par actions, la législation protectrice des ouvriers, les grèves. Il y a aussi un article sur la durée du travail et notamment sur la journée de huit heures. Sur ce point, les ouvriers ont eu quelques succès, et l'auteur en parle comme si, dans ces luttes, les ouvriers s'étaient sacrifiés dans l'intérêt d'autrui. Entre parenthèses c'est en Australie que le succès a été le plus grand, la journée de huit heures s'est à peu près généralisée, mais... sans diminuer le nombre des sans-travail. Signalons les articles sur les banques, les bourses, sur la question chinoise (il s'agit de l'immigration et de la concurrence des ouvriers chinois) sur les finances communales (il y en a mème deux, l'un sous le mot Gemeinde etc., et l'autre sous le mot Kommunalabgaben), sur le papier-monnaie, les suicides, les universités, la question des étalons monétaires et d'autres.

Parmi ces autres, il faut mentionner spécialement les mots : Démocratie sociale et État. Dans le premier, qui désigne en Allemagne le parti politique socialiste, on expose les tendances révolutionnaires de ce parti et on les combat vigoureusement, nous avons à peine des reserves à faire. Il n'en est pas de même de l'article État, qui est du professeur Ad. Wagner, le très savant inventeur de l'expression « socialisme d'État » (Staatssocialismus). L'auteur y expose ses idées, qui accordent à l'État un droit d'intervention exagéré dans les affaires privées. Dans un dictionnaire il vaut mieux faire exposer le pour et contre avec une égale impartialité, quitte à conclure avec netteté. On aurait montré que la mise en tutelle des hommes n'est pas favorable à l'esprit d'initiative, à la fermeté du caractère, aux progrès de toutes

sortes.

Jahresbericht (Rapport de l'inspection des fabriques du Grand Duché de Bade) pour l'année 1895, publié par le ministre de l'In

1 Ainsi l'auteur croit que le socialisme révolutionnaire sera toujours condamné à l'impuissance, mais est-ce bien sûr?

térieur rédigé par M. Worrishofer. Carlsruhe, libr. F. Thiergarten, 1896.-Les rapports de M.Warrishofer jouissent en Allemagne d'une juste autorité, nous croyons donc devoir leur accorder un moment d'attention. Nous voyons là, entre autres choses, que l'inspection des fabriques est en lutte avec mainte difficulté. Les fabricants — cela se comprend encore assez bien -ne sont pas toujours disposés à appliquer scrupuleusement les règlements, et les autorités locales ne sont pas bien dures pour les récalcitrants, elles contreventionalisent les délits et se bornent à édicter de légères amendes. Les ouvriers n'osent pas trop se plaindre à l'inspection, ils craignent les représailles du patron, qui ne suivront pas immédiatement, mais qui ne manqueront pas de venir à leur tour. Si,en ces matières, les lois pouvaient ètre exécutées à la lettre, bien des ateliers se fermeraient, parce que les entrepreneurs auraient beaucoup plus de désagrément et bien moins de profit, ceci ne compenserait plus cela, et les ouvriers n'y gagneraient rien. En attendant, les fabriques augmentent encore, quelques-unes se transforment seulement. On cite l'exemple d'une entreprise qui préparait la matière première à demi fabriquée1, et qui ensuite faisait achever le produit. Or ce produit n'exigeant qu'un travail purement manuel sans machine), cette entreprise eut à lutter contre la concurrence de l'industrie domestique. C'est le travail familial dans quelques villes ou villages français (des) Vosges?) qui l'emporta pour le bon marché sur la main-d'œuvre allemande, sans doute en travaillant beaucoup d'heures par jour. Le savant inspecteur des fabriques regrette qu'on ne puisse pas intervenir dans le travail domestique et y réduire la durée de la journée. Mais s'il s'agit d'individus qui se sont mariés à 22 ou à 23 ans, qui ont donné le jour à 7, 8, 10 enfants et qui ne peuvent les nourrir qu'en travaillant douze à quinze heures? N'est-il pas juste qu'ils subissent la conséquence de leur imprévoyance, et aussi de la faiblesse de leur caractère qui les a fait céder au premier appel de leurs sens? Et vous voudriez qu ils se reposent aux frais des hommes qui ont su vaincre leur penchants pour se marier un peu plus tard. En y réfléchissant, on se demande si la «protection des ouvriers » ne dépasse pas le but raisonnable? L'auteur du rapport reconnait déjà qu'il y a tant de prescriptions

1 Il nous manque le mot Halbfabricat (produit à demi fabriqué); p. exemple le fil est un produit à demi fabriqué par rapport aux tissus ou aux dentelles, le fer en barres par rapports aux clous, les planches par rapport à la menuiserie et à l'ébénisterie.

protectrices, que l'autorité ne s'y retrouve plus, et pourtant on en demande toujours de nouvelles ! On en demandera tant.... que le tas devenu trop élevé se renversera. Comment guérir les maux accessoires, quand le mal principal est à l'abri des remèdes ?

Il y a bien des détails intéressants dans ce rapport, nous y renvoyons le lecteur.

A la librairie Cotta, de Stuttgart, paraît une série d'études économiques (Volkswirtschaftliche Studien) qui ont été rédigées sous les yeux de MM. les professeurs Brentano et Walter Lotz. Nous allons présenter quelques-unes de ces Études dont chacune forme une publication séparée.

Japans auswärtiger Handel (Le commerce extérieur du Japon) de 1542 à 1854 par Oscar Münsterberg, 1896.-Il s'agit bien d'une période de trois siècles et l'auteur s'est appuyé autant que possible sur des sources originales, rapports de voyageurs, de missionnaires, de commerçants établis, de traductions du japonais, etc. L'Europe avait déjà fait connaissance, par Marco Polo (xш° siècle) d'un royaume insulaire situé au-delà de la Chine, mais le Japon ne fut réellement découvert qu'en 1542 par les Portugais, qui alors s'étaient déjà établis dans l'Inde orientale. De 1542 à 1598 les Européens eurent des relations commerciales avec les princes ou daïmios, de 1600 à 1615 le commerce ne fut permis qu'avec le Gouvernement central, de 1615 à 1639 le commerce fut très restreint, et, à partir de 1640 jusqu'en 1885, des barrières légales entourèrent le Japon qui cessa les relations commerciales et même politiques avec tous les pays étrangers. L'auteur explique les causes de ces changements et s'attache surtout à nous décrire le Japon pendant sa longue fermeture. Il y a là des pages très curieuses. Le pays n'était pas heureux, la misère et l'immoralité y régnaient et la contrée se dépeupla. M. Munsterberg entre dans de nombreux et curieux détails. Après avoir consacré 140 pages à l'histoire, l'auteur en consacre plusieurs centaines à la description des usages commerciaux, des institutions qui les règlent, et surtout à la statistique Faisonnée des marchandises importées et exportées.

Spaniens Niedergang (La décadence de 1 Espagne pendant la révolution des prix du xvre siècle) par M.J. Bonn, 1896.-L'auteur désigne son travail comme « un Essai inductif pour contribuer à l'histoire de la théorie quantitative ». Cette traduction littérale du titre manque peut-être de clarté, traduisons donc librement : Essai sur les preuves que fournit l'histoire en faveur de la théorie qui fait

dépendre la valeur des métaux précieux de leur quantité proportionnelle (les prix haussent quand la quantité de l'argent augmente sensiblement relativement aux marchandises). Comme c'est l'Espagne qui a découvert les mines d'argent de l'Amérique, comme c'est chez elle que ces richesses se sont d'abord déversées, tous les prix s'élevèrent et la misère devint d'autant plus grande, que le travail n'y était pas en honneur.

D'autres causes de décadence agissaient encore sur l'Espagne du xvre siècle : un gouvernement absolu, faible et incompétent, une surabondance de nobles, de prètres, de moines, même de soldats, et surtout de mendiants, et une désolante rareté de cultivateurs et d'artisans. Aussi est-ce en Espagne qu'apparaissent les premiers économistes dont plusieurs ont de la valeur scientifique et du courage politique: Calmeiro a dressé une liste de 405 ouvrages dont plusieurs ont valu à leur auteur un nom européen. M. Bonn en donne quelques extraits, mais il s'efforce surtout de présenter une esquisse de l'histoire économique de l'Espagne au XVIe siècle. Cet essai mérite d'être encouragé.

Die Glasindustrie Bayerns (Histoire du développement de l'industrie verrière en Bavière) par Ed. Vopelius, 1895. C'est une curieuse histoire. Nous ne pouvons reproduire ici qu'un incident, en le résumant. Il s'agissait d'imiter à Nuremberg la verrerie de Venise. Mais la fière République italienne gardait son secret avec un soin jaloux. Les verriers jouissaient de beaucoup de privilèges, mais il leur était interdit d'émigrer. Ceux qui s'absenteraient, décréta le Grand Conseil dès 1295, puis en 1383, seraient sévèrement punis. Un acte de 1454, dans son article 26, s'exprime ainsi : « Si un verrier porte son art, au détriment de la République, dans un pays étranger, il recevra un ordre de retour. S'il ne revient pas, on emprisonnera ses plus proches parents; s'il s'obstine néanmoins à rester à l'étranger, on lui enverra un émissaire chargé de le faire disparaître de ce monde. » L'émigration n'était donc pas une affaire tentante, mais des Bavarois vinrent à Venise et réussirent à surprendre le secret, au moins en partie. C'est en 1531 (act. du 1er mars) que des potiers de Nuremberg se mirent à imiter la fabrication de Venise, non sans s'engager entre eux à garder le secret.... Mais - et on peut ajouter heureusement, aucun secret industriel n'est à l'abri de la divulgation, aussi la verrerie se répandit et toutes les branches de cette industrie se perfectionnèrent. L'auteur a travaillé sur les sources; il a fait simplement de l'histoire, mais comme c'est l'histoire d'une industrie, l'Économique en profite.

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