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Ce livre est consacré à M. Georges Sorel, ancien ingénieur des ponts et chaussées, qui a consacré ses loisirs de retraité, à étudier le marxisme, et à le transformer en théorie du syndicalisme. Il est parti du système formulé par Proud'hon et par Karl Marx, auquel on a donné le nom de « matérialisme historique >>. Ce sont les intérêts, la technique qu'ils imposent qui déterminent l'existence de l'homme, ce ne sont pas ses conceptions religieuses, philosophiques, politiques, littéraires. Elles sont des effets, elles ne sont pas des causes.

M. Sorel ne va pas cependant jusque-là, car dans son livre la Ruine du monde antique, il s'est surtout préoccupé du christianisme, et il lui a emprunté la théorie de la grève générale qui doit être le mythe du syn. dicalisme comme la fin du monde a

été le mythe des chrétiens. Il en fait une force agissante et combative; mais M. Guy-Grand demande avec raison, si cette force, ébranlée par la vulgarisation scientifique, n'est pas un simple concept d'analogie.

M. Sorel, dans ses Réflexions sur la violence, a tracé la politique de la Confédération générale du travail. C'est la politique de la bataille quotidienne; mais on ne se bat pas et on n'est pas héroïque tous les jours, on finit toujours par la paix. M. Guy-Grand montre ses analogies avec le nationalisme.

M. Sorel les a démontrées en «< sautant de l'antipatriotisme très cru des Réflexions sur la violence au patriotisme également sans mesure l'article sur le Mystère de la charité de Jeanne d'Arc ».

de

M. Guy-Grand s'est donné beaucoup de mal pour tâcher de dégager une philosophie du syndicalisme; il n'y en a qu'une. Les chefs de la Confédération générale du travail sont en état de conspiration perpétuelle contre le reste de la société à laquelle ils déclarent imposer leur volonté par la force, comme seul droit. Seulement, ils s'embourgeoisent, ils achètent des immeubles, ils fondent une imprimerie. Il deviennent propriétaires et industriels; et comme ils mettent leurs actes quotidiens en contradiction avec leurs théories, ils se condamnent à l'impuissance. Ils feront cependant, de temps en temps, quelques soubresauts pour faire croire qu'ils existent et qu'ils agissent. Voilà tout.

N. M.

CHRONIQUE

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I. Choses étranges. — II. Le budget annuel et les douzièmes provisoires. III. Une nouvelle formule pour le prochain emprunt. IV. La Banque de France. V. La majoration des tarifs de chemins de fer et les · socialistes. — VI. La course à la démobilisation. — VII. La question des vias. VIII. Les délégués d'ateliers. IX. Les récoltes de céréales. 1. La loi sur la répression de l'ivresse publique. XI. La question des sucres en Angleterre. XII. La marine et le gouvernement britanniques. XIII. Changements de papiers. XIV. La crise ouvrière en Russie. XV. La Grande-Bretagne et les États-Unis. - XVI. The American free trade League.

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I. Choses étranges. - Dans l'Action française, M. Léon Daudet avait dénoncé un certain nombre d'individus coupables d'intelligences avec l'ennemi. M. Clemenceau en avait parlé aussi. Un jour, un officier de la police militaire se trouvant à Bellegarde trouve un chèque de 157 000 francs dans la poche d'un nommé Duval, rédacteur du Bonnet Rouge. Le chèque est envoyé au ministère de l'Intérieur de là au deuxième bureau du ministère de la Guerre dont le chef, après consultation avec M. Leymarie, chef de cabinet du ministre de l'Intérieur, rend le chèque à son porteur. D'après la déclaration de M. Malvy à la Chambre des députés, le 4 octobre, il ignorait le fait. De même M. Painlevé, ministre de la Guerre. L'un et l'autre l'auraient appris, trois semaines après, par M. Ribot, alors président du Conseil, auquel il avait été revélé incidemment dans une visite de déférence que lui avait faite M. Hudelo après sa nomination comme préfet de police!

Les arrestations de Vigo dit, Almereyda, directeur du Bonnet Rouge, dont la mort dans la prison de Fresnes reste un mystère, de Duval, de Goldsky, de Margulies, d'une demidouzaine d'autres individus, de Bolo-Pacha, ont paru trop tardives au public, ainsi que l'instruction ouverte contre le député Turmel, la mesure prise à l'égard de M. Monnier, premier président de la cour d'appel de Paris. Sans la presse, cette besogne d'épuration aurait-elle jamais eu lieu ?

M. Léon Daudet a écrit une lettre au président de la Répu

blique qui l'a remise au président du Conseil. Le président du Conseil aurait pu, d'accord avec le garde des sceaux, /la remettre au capitaine Bouchardon, chargé de l'instruction de cette affaire. Il a préféré la lire à la tribune. Cette lettre porte l'accusation extraordinaire que « M. Malvy, ex-ministre de l'Intérieur est un traître ».

C'est à l'accusateur de prouver son accusation. Il n'y avait que cela à dire : mais le gouvernement a annoncé qu'il allait présenter une nouvelle loi sur la Presse. Que lui faut-il donc de plus que la censure?

Cette menace, suivie de la suspension de l'Action française, mais abandonnée le lendemain, a provoqué immédiatement cette réflexion chez les gens simples; « Le gouvernement veut donc cacher quelque chose. >>

L'Attorney general des États-Unis, M. Lewis, déclare au con

traire :

C'est devenu un principe absolu du gouvernement américain de rendre public tout ce qui touche aux machinations et aux complots ourdis par l'Allemagne aux États-Uuis, sans égard pour les dupes et les complices de ces machinations. Le département d'État a la conviction de servir les intérêts de l'Amérique et des Alliés en mettant à nu la plaie dont souffrent les Alliés et l'Amérique.

C'est par lui qu'on connaît les manoeuvres de Bolo aux États-Unis. Le gouvernement allemand aurait dépensé plus de 250 millions de francs pour aboutir à forcer les EtatsUnis d'entrer dans la guerre contre lui 1.

II. Le budget annuel et les douzièmes provisoires. Avant la guerre, la Chambre des députés avait pris le parti de ne plus remplir le premier de ses devoirs, qui est le vote du budget. On allait de douzièmes en douzièmes provisoires la loi de finances de 1913 a été promulguée le 31 juillet, et celle de 1914, le 18 juillet.

Depuis la guerre, on n'a procédé que par douzièmes provisoires; M. Joseph Thierry avait déclaré que, pour 1918, on reviendrait au budget annuel; M. Klotz a annoncé à son tour « un projet de budget annuel comprenant l'ensemble des services civils et de la dette, en ne réservant pour le

1. Voir sur les résultats obtenus par la diplomatie germanique, les Causes et les Conséquences de la guerre, par Yves Guyot, p. 121.

vote des crédits trimestriels que les dépenses militaires et les dépenses exceptionnelles découlant directement de l'état de guerre ».

Comme 70 p. 100 au moins des dépenses sont des dépenses militaires, il en résulte que 30 p. 100 seulement des dépenses seront comprises dans le budget.

Mais pour que ce budget pût être voté avant le 1er janvier, il faudrait qu'il fût voté avant le 31 décembre. Autrement nous resterons au régime des douzièmes provisoires.

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III. Une nouvelle formule pour le prochain emprunt. A l'occasion de la prochaine émission du troisième emprunt de la Défense nationale, diverses combinaisons ont été examinées:

L'Agence économique et financière a exposé le système sui

vant:

Un actuaire, chez qui une longue expérience administrative n'a pas atténué l'esprit novateur, a conçu à ce propos une formule nouvelle qui, par son caractère inédit, répond, sans aucun doute, à l'une des préoccupations du moment: faire du nouveau simple susceptible d'intéresser le public souscripteur.

La modalité préconisée consiste dans l'émission d'un emprunt au taux nominal de 5 p. 100, amortissable en soixante-quinze ans par exemple, avec cette particularité que les titres amortis continueraient, après remboursement, à recevoir un intérêt annuel de 2 p. 100 à 2,50 p. 100 jusqu'à l'expiration du service de l'emprunt. Dans ce nouveau type, l'annuité budgétaire de couverture demeure constante. Les spécialistes de l'actuariat apercevront de suite, parmi les faces de la formule, un genre assez ingénieux de remboursement au-dessus du pair avec primes échelonnées.

Faisons remarquer simplement pour rester dans le domaine financier, qu'un emprunt émis suivant cette nouvelle modalité offrirait déjà les avantages suivants: 1° Bénéfice moral d'une politique d'amortissement d'emprunts de guerre ; 2o conservation du type 5 p. 100 sans que le taux d'émission soit très inférieur au pair; 3° élimination des critiques que suscite la combinaison à lots; 4° faculté pour les porteurs d'obligations ou de bons de la Défense nationale de consolider leurs titres sans renoncer au bénéfice du remboursement; 5° combinaison particulièrement séduisante pour les souscripteurs, puisque après remboursement intégral du capital le rapporteur continue à recevoir une partie du revenu.

C'est une véritable « obligation de jouissance » que l'État, après

s'être libéré offrirait ainsi à ceux qui lui auront apporté leur concours pour l'heureuse poursuite de la guerre et le relèvement du pays. L'annuité à supporter par l'État reste modérée malgré les avantages assurés aux souscripteurs.

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IV. La Banque de France. Les émissions de la Banque de France ont suivi la progression suivante :

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La loi du 6 août a porté de 12 à 15 milliards le chiffre des avances faites à l'Etat.

Le privilège de la Banque prend fin en 1920. D'ici cette date, le gouvernement ne pourra pas rembourser ses avances, la Banque ne pourra pas rembourser ses billets à guichets

ouverts.

A ce propos, nous reproduisons les observations suivantes de M. Emmanuel Vidal, dans la Cote de la Bourse et de la Banque du 8 octobre:

« Il nous est interdit, sous peine de censure, de considérer que l'augmentation de la circulation des billets de la Banque de France à 24 milliards et que l'augmentation de la dette de l'Etat envers la Banque à 15 milliards sont d'une mesure mauvaise, et que l'Etat, quand il a à emprunter, doit emprunter au pays et non à une Banque par un tel procédé. Aussi nous le redisons. Cependant on nous saura gré de signaler qu'un de nos meilleurs confrères a pu dire la chose, et nous espérons bien passer grâce au précédent, sinon grâce au procédé.

«En effet, notre confrère constate que « la Banque devient de plus en plus, et cela par suite du retard de l'emprunt dont il est question depuis le début de l'année..., le banquier de l'Etat, le principal pourvoyeur de notre Trésor de guerre. » Or nous avions dit cela, et on nous l'a coupé.

« C'est au public que le Trésor doit s'adresser pour s'approvisionner de ressources, soit définitives par des émissions de rentes, soit provisoires par des opérations de banque TOME LVI. OCTOBRE 1917.

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