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dégrèvements; il a établi le libre-échange. Il n'a plus de programme. M. Balfour restera premier ministre, M. Chamberlain, secrétaire d'Etat des colonies, etc.

Mais voilà précisément ce que ne voulait pas M. Chamberlain et le 15 mai 1903, tandis que M. Balfour prouvait à une délégation d'agriculteurs et de meuniers la nécessité de supprimer le petit droit de 3 d. par cwt. (o fr. 65 par quintal métrique), que sir Michaël Hicks Beach avait établi sur le blé au point de vue fiscal, au moment de la guerre du Transvaal, M. Chamberlain lançait son manifeste de Tariff Reform. M. Chamberlain ne voulait pas rester secrétaire d'Etat aux colonies. Il voulait prendre la place de M. Balfour1.

Il éprouva une déception quand il vit des hommes, comme le duc de Devonshire, refuser de le suivre. Le 28 septembre 1903, il lui écrivait :

Je pensais que vous seriez, en principe, d'accord avec moi, quand j'ai soulevé cette question, et si j'avais su qu'il en fût autrement, j'aurais certainement différé et peut être abandonné cette campagne".

Sa conviction était politique et non économique.

J'ai exposé dans la Comédie protectionniste les efforts et les arguments des Tariff Reformers. Dès le lendemain du 15 mai 1903, j'exposai dans le Siècle, dans la Fornightly Review (1er juillet) et dans le Journal des Economistes (15 juillet) les motifs pour lesquels M. Chamberlain était condamné à un échec. J'eus l'occasion d'appuyer mon opinion par un pari d'un dîner de 1 000 francs avec M. Lazare Weiller, que me fit gagner largement l'élection de 1906. M. Moberley Bell, qui soutenait dans le Times la politique de M. Chamberlain, me disait : « Chamberlain a fait son pointage. Il est sûr du succès. »

Je lui énumérai les sept arguments qui me faisaient considérer sa défaite comme certaine 4.

Maintenant, je puis en ajouter un huitième. M. Chamberlain dénonçait les free traders comme des Little Englanders. Il

1. V. Yves-Guyot, la Comédie protectionniste, livre VI, « le Programme Chamberlain, » chap. I, II, III.

2. Professor Holland: Life of the (Eighth) Duke of Devonshire (1911), t. II, p. 359.

3. Livre VI, p. 180 à 299.

4. V. La Comédie protectionniste, p. 298.

essayait de provoquer dans les Dominions un parti contre eux, les dénonçant comme ennemis de l'Empire britannique. Il criait sur tous les tons, avec une imprudence extraordinaire de la part d'un ministre britannique que, si le Parlement n'adoptait pas son programme, l'Empire tomberait en morceaux. Il était impossible de répondre par des faits à des prévisions de genre1, mais aujourd'hui, il n'en est plus de même et la réponse est décisive.

L'Imperial Preference n'avait pas été adoptée quand le Royaume-Uni a été engagé dans le cyclone de 1914. Les sinistres prévisions de M. Chamberlain se sont-elles réalisées? Est-ce que l'Empire Britannique est tombé en morceaux?

Le kaiser devait compter sur des perturbations dans l'Inde. D'après les actes de ses agents dans diverses pays, nul doute qu'ils n'aient essayé d'en préparer. Cependant, il n'y a pas eu de soulèvements, il n'y a même pas eu d'émeutes. On a vu des Hindous en Europe, en Egypte, en Mésopotamie, sous les couleurs anglaises. N'est-ce pas la preuve qu'ils acceptent le gouvernement britannique? Et, dit M. Edward Pulsford, « nul peuple dans le monde n'a un sens plus aigu de ce qui constitue l'injustice et l'oppression que le peuple de l'Inde ».

Mais il y a encore un fait plus frappant. Le 10 octobre 1899, Kruger déclarait la guerre à la Grande-Bretagne. Elle ne fut terminée que le 31 mai 1902. On aurait pu supposer la per

sistance de haines violentes. Pas du tout. La Grande-Bretagne remplit l'idéal qu'avaient entrevu les Boers. Elle fonda le Dominion de l'Afrique du Sud. Les Boers eurent le pouvoir. Au moment de la guerre, si quelques-uns ont pensé faire alliance avec les Allemands, presque l'unanimité s'est déclarée pour la Grande-Bretagne. Le général Smuts est venu à Londres siéger au Conseil des ministres.

Tous les jours, les communiqués britanniques nous apprennent les actes d'héroïsme des Canadiens et des Australiens. Est-ce qu'ils les accomplissent pour les quelques farthings de préférence que leur promettait M. Chamberlain et que leur promettent aujourd'hui ses héritiers, sans savoir bien ce qu'ils donneront et comment ils le donneront? Ils ont dit et répété que le free trade s'était évanoui. Des protectionnistes français se sont écriés avec enthousiasme : L'idole du libre-échange est brisée!

1. V. La Comédie protectionniste, p. 256.

Mais le Congrès des Trade-Unions, par 2339 000 voix contre 278000, vient d'adopter la résolution suivante, présentée par la London Society of Compositors:

Les conditions économiques résultant de la guerre n'ont en aucune manière changé la vérité fondamentale que le free trade entre les nations est la base la plus large et la plus sûre pour la prospérité du monde et la paix internationale, tandis que les droits protectionnistes, en ajoutant au prix des objets nécessaires au peuple, comportent une incidence injuste et sont sans fondement économique, en donnant un bénéfice au capital aux dépens du travail.

Les discours qui ont précédé l'adoption de cette résolution ont montré quelle aggravation donne à l'Industrial Unrest' les nouvelles tentatives des Tariff Reformers.

Certes, une Chambre des communes peut détruire en une nuit le système du free trade établi depuis plus de soixantedix ans et qui a donné les résultats rappelés en tête de cet article; mais sur qui s'appuient les Tariff Reformers? En dehors de grands propriétaires fonciers, qui ont l'imprudence de poser par leurs revendications, la question de la propriété foncière, de certains industriels à courte vue, qui ont-ils pour eux? Ils n'ont même pas les protectionnistes des Dominions!

Le livre que M. Pulsford envoie de Sydney aux Anglais est de nature à dissiper les malentendus et à donner des arguments décisifs contre l'Imperial Preference à ceux qui pouvaient éprouver, par un sentiment de reconnaissance envers les Dominions et l'Inde, quelque hésitation à la repouser énergiquement.

YVES-GUYOT

1. Voir Journal des Economistes, septembre 1917.

DE L'INFLATION

La guerre, en se prolongeant, jette une perturbation croissante dans l'organisme économique. Ce n'est pas impunément qu'il est entré dans les canaux de la circulation par l'intermédiaire des douze principales banques d'émission en Europe, depuis l'explosion de la guerre jusqu'au 18 juin 1917, 1923 millions de liv. st., près de 50 milliards de francs, sans tenir compte des billets de l'État, émis par le gouvernement britannique et le gouvernement italien, ni des billets des caisses de prêt d'Empire en Allemagne. Cette addition gigantesque à la quantité de monnaie et de signes représentatifs de la monnaie, contribue certainement au renchérissement de la vie, avec les autres facteurs qui troublent la production, la distribution des denrées et des services. Toutes les conditions qui peuvent faire hausser les prix se trouvent réunies aujourd'hui.

Il vaut la peine de réunir des documents concernant le danger de l'inflation. Pour le passé, nous renverrons à ce que M. Gomel et M. Levasseur ont écrit sur les assignats dans des ouvrages classiques'.

Nous signalerons la communication faite par le professeur Shield Nicholson à la Royal Statistical Society. Le professeur de l'Université d'Edimbourg s'est efforcé de dégager, dans la hausse des prix, la part de l'accroissement rapide de la circulation fiduciaire et du crédit. Il est, arrivé à des conclusions qui nous paraissent des plus acceptables. L'accroissement des différentes sortes de monnaie a été plus considérable et plus rapide que la moyenne d'accroissement dans les années qui ont précédé la guerre.

Il y a eu une hausse anormale des prix de toutes les marchandises qui entrent dans les index nnmbers. Ceux ci ont doublé. Même hausse anormale des salaires. Chronologiquement, le gonflement anormal de la monnaie a précédé le renchérissement. La période d'incubation a

1. Nous avons résumé l'histoire des assignats dans deux articles parus dans la Situatioa économique en septembre 1917 (14, rue Taitbout).

En Russie, certains bons du Trésor circulent à l'égal de la monnaie, de même en Autriche les bons du Trésor gagés sur les salaires. Mais ce sont des expédients à ne pas imiter; en Russie, ces bons du Trésor à intérêt se transmettaient avec un calcul d'intérêts échus, ce qui n'était pas fait pour faciliter les transactions. En Angleterre et dans d'autres pays, on reçoit les titres de la dette de guerre en payement de certaines taxes sur les revenus et profits extraordinaires, sur les héritages.

C'est une double concurrence aux billets de la Banque de France et aux bons du Trésor 5 p. 100 que recommandent M. H. Labroue et quelques-uns de ses collègues. Nous espérons bien qu'on ne mettra pas le doigt dans cet engrenage qui déchiquetterait le crédit national. C'est une illusion de croire que leur expédient mobiliserait jusqu'au dernier billet de Banque.

Les assignats aussi ont commencé par porter intérêt. Ils ont été créés pour permettre de réaliser les domaines et les biens nationaux. Ils ont fait perte dès leur apparition et, sous le Directoire, ils ont été purement et simplement annulés.

M. Maroni, dans les Débats, fait observer que l'augmentation continue de l'émission fiduciaire est un phénomène universel chez les belligérants. En France, la quantité de billets était considérable avant la guerre. On a essayé d'enrayer l'accroissement en vulgarisant l'emploi du chèque: la Banque de France a accordé les plus grandes facilités, le Trésor a pris des mesures dans le même sens. On a fait une propagande active pour apprendre au public à économiser les billets, en se servant de chèques et de virements. Ces efforts n'ont pas donné grand résultat. Actuellement il faut plus de billets et de monnaie divisionnaire pour régler les achats.

En Angleterre, où l'on se sert heureusement des chèques, ceux-ci ont diminué à Londres par suite des restrictions imposées à la Bourse des valeurs et à celles des marchandises. Ils ont augmenté en province.

D'après M. Maroni, il s'est produit un changement dans la répartition des capitaux liquides. Toutes les fois que l'Etat emprunte à la Banque, il se crée des capitaux par suite de l'inscription au débit de la somme empruntée, laquelle trouve sa contre-partie soit au chapitre de l'émission, s'il y a eu des payements en billets, soit à celui des comptes courants créditeurs du public, s'il y a eu transfert par virement ou de l'État, si celui-ci l'a laissé en compte. La circulation ou les dépôts a vue ont augmenté.

En effet, les anciens capitaux existant avant la guerre et qui étaient représentés par les dépôts dans les établissements de crédit et par les comptes courants à la Banque de France ont conservé, à peu de chose

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