Ce livre contient quatre parties: 1o le moteur humain; 2o le systèmeTaylor; 3° l'aptitude au travail de la main droite et de la main gauche; 4° les méthodes belges d'éducation technique.

L'étude expérimentale des modes de fonctionnement de l'organisme, des meilleures conditions du travail et de l'épargne de la fatigue, présente des avantages sur lesquels il n'est pas besoin d'insister.

L'étude du moteur humain est de première importance pour l'apprentissage. Les aptitudes physiques et variées doivent être adaptées à la besogne à faire. Aujourd'hui, ce sont souvent des hasards qui poussent tel ou tel dans telle ou tele profession. Et il ne s'agit pas seulement de l'apprentissage, il s'agit de l'instruction à tous les degrés. Elle est uniforme, d'après une moyenne, alors qu'elle devrait être variée.

Tout le problème, consiste à obtenir le maximum d'effet utile avec le minimum d'effort'. Les individus le recherchent. Houghton cite le cas de pêcheuses anglaises de coquillages. Pour se rendre sur le lieu de pêche, elles ont à parcourir un terrain qui se compose d'une partie ferme et résistante et d'une partie sablonneuse qui rend la marche pénible. Elles n'ont pas adopté la ligne droite dans laquelle prévaut la partie sablonneuse; elles n'ont pas non plus adopté la ligne opposée qui serait trop longue. Elles ont choisi un chemin intermédiaire qui correspond à la dépense minima d'énergie.

Houghton a déterminé mathématiquement la loi suivant laquelle s'opère la marche dans ce cas. Il a obtenu sensiblement la loi élémentaire de la réfraction, et l'on sait qu'en obéissant à cette loi, le mouvement vibratoire lumineux se propage d'un point à l'autre dans un temps minimum.

Il est évident que les pêcheuses anglaises ont adopté cette route à la la suite d'une série d'observations,

Des travaux de Chauveau, des expériences d'Imbert, il ressort que, << dans les actes mécaniques de même que dans la consommation de l'énergie intime des muscles, on reconnaît sûrement la préoccupation inconsciente et constante de réduire au minimum la dépense totale d'énergie et la réalisation volontaire des conditions mécaniques qui correspondent à cette dépense minima ».

L'organisme subit deux ordres de conditions, les unes extérieures et de nature mécanique, les autres intérieures et de nature physiologique tout travail entraîne la fatigue que nous cherchons à éviter.

Mais nous n'obtenons pas toujours le même résultat que les pêcheuses anglaises. Les bons ouvriers eux-mêmes ne savent pas toujours bien utiliser leur force. D'après Taylor, un travail aussi simple

1. V. Yves-Guyot, l'Economie de l'effort. (Librairie A. Colin.)

que le transport des fardeaux est fonction de six variables: poids transporté à chaque voyage, distance parcourue, inclinaison du chemin, vitesse à pleine charge, vitesse à vide au retour et temps de repos. Il conclut que cette complexité du problème empêche l'ouvrier de trouver lui-même la meilleure utilisation de son travail mécanique. S'appuyant sur les travaux de Mosso, et invoquant ses propres expériences, le docteur Josefa Iote ko constate que dans la fatigue, l'usure de l'organisme se fait en progression géométrique, alors que le travail s'accomplit en progression arithmétique.

De là l'auteur formule avec hardiesse les postulats suivants :

«< 1 Le travail journalier de l'ouvrier suivant une progression arithmétique, son salaire devra suivre une progression géométrique. Le coefficient d'accroissement des salaires est à déterminer expérimentalement dans chaque métier, en prenant en considération la méthode de travail employée.

« 2° A travail égal, salaire égal. La quantité de travail produit sera établie dans chaque industrie. Une équivalence pourra être établie entre les industries diverses en se basant sur les lois de l'énergétique. Ce postulat, qui est celui de la justice, basée sur l'égalité de la production, n'entre nullement en collision avec celui de la justice basée sur l'égalité de charge. C'est ainsi, par exemple, que les pères de familles nombreuses ont droit à des allocations supplémentaires, ceci en vertu d'un principe différent.

«3° Il est nécessaire de limiter un nombre d'heures maximum pour chaque métier.

« 4o Dans le domaine pédagogique, les éducateurs s'exposent à de graves mécomptes lorsqu'ils augmentent la quantité de travail des élèves sans connaître les lois de la fatigue dans ses rapports avec l'âge, le sexe, la constitution et les aptitudes. »

Nous adoptons complètement le dernier postulat du docteur Josefa Ioteyko, mais nous constatons que pour les autres, elle se fait une idée inexacte du caractère de la rémunération du travail.

Le salaire n'est pas la rémunération du travail, mais des résultats du travail. Si l'ouvrier produit moins à la fin de la journée qu'au début, son salaire ne devrait pas être augmenté; dans ce cas, il devrait être diminué. Il doit être apprécié de la manière suivante : quel est le résultat du travail au point de vue de l'objet produit ou du service rendu?

Le docteur Josefa Ioteyko est séduite par cette formule à travail égal, salaire égal. Seulement, elle veut bien reconnaître que le travail varie selon les industries. Mais elle veut établir une équivalence entre

1. La Fatigue intellectuelle et physique. (Librairie Félix Alcan.)

les industries diverses en se basant sur les lois de l'énergétique. Il s'agira de trouver l'équivalence entre le travail de l'horloger, celui du bijoutier et celui du docker.

Armand Gautier a calculé que les ouvriers de chais, occupés au travail des pompes, faisaient un effort dans leur journée de 212 200 kilogrammètres. Les dockers, avec la taxe, ne produisent qu'un travail de 75000 kilogrammètres. Un facteur des postes faisant deux distributions par jour, à la vitesse de 5600 mètres à l'heure, effectue un travail de 259 200 kilogrammètres.

Le salaire ne correspond à l'intensité de ces efforts que s'ils éloignent un grand nombre de travailleurs incapables de les supporter.

Le docteur Josefa loteyko constate que la taille de l'ouvrier est un facteur important de la fatigue résultant du travail au cábrouet (brouette basse à deux roues).

Les ouvriers les plus petits, qui sont dans des conditions plus pénibles que ceux d'une grande taille, devraient recevoir, d'après les postulats ci-dessus, des salaires plus élevés. Le docteur Josefa Ioteyko n'allant pas jusqu'à le proposer, son postulat disparaît.

L'auteur conclut contre l'application du système Taylor. Nous renvoyons au chapitre que M. Yves-Guyot y a consacré dans son livre : l'Industrie et les Industriels, paru à la veille de la guerre '.

La Science du travail contient beaucoup de renseignements intéressants. En voici un sur la force dynamométrique de la main droite et de la main gauche pour de jeunes Belges âgés de vingt ans :

Le tableau montre que la force s'est beaucoup accrue depuis Quételet, en dépit des gens qui ne cessent de parler de la décadence physique des peuples civilisés. L'asymétrie a également augmenté.

M. Omer Bayse, dans une étude sur l'apprentissage, dit :

<< La valeur de la main-d'œuvre est et restera toujours l'élément décisif dans le développement de la capacité de production. »

1. O. Doin éditeur, Encyclopédie scientifique. Livre IV, chap vп, p. 197.

Cette affirmation n'est pas exacte : l'efficacité du travail est un des éléments de la production; mais les progrès des moyens de production, chimiques et mécaniques, en diminuent l'importance relative. La valeur de la main-d'oeuvre d'un manoeuvre qui transporte un fardeau sur son dos est beaucoup plus importante, relativement au résultat obtenu, que s'il emploie une brouette, à plus forte raison que s'il conduit un cheval, et encore à plus forte raison que s'il conduit une locomotive.

N. MONDET.

NOTICES BIBLIOGRAPHIQUES