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dition à l'acquéreur ne peut être opérée que lorsque le créancier a été désintéressé.

Il y a là, à notre avis, une grosse difficulté d'ordre pratique. Comment conclure une vente si la tradition de l'objet est subordonnée à une mainlevée qui demandera peut-être plusieurs jours si le prêteur n'est pas sur les lieux du marché ou du champ de foire? Et alors l'emprunteur doit avoir trouvé des fonds en dehors de ceux qui résulteraient de la vente de ses produits warrantés. Mince inconvénient dira-t-on, mais pour qui connaît l'homme de la campagne cet aveu est difficile à faire. Quant à l'acheteur, il désire souvent emporter avec lui les produits acquis s'il les a payés de suite; d'ailleurs s'il ne les paye pas et que la tradition ne soit pas immédiate, comment le cultivateur pourra-t-il rembourser sa dette? La situation équivaut donc souvent à une impasse.

Du côté du prêteur maintenant, il est évident que tout ce formalisme est un obstacle à la délivrance du prêt. Mais ce n'est pas tout, et ces formalités de constitution du warrant qui sont pour l'emprunteur n'éloigneraient pas le prêteur s'il n'y avait pas à l'époque de la réalisation de la créance tout un appareil à l'effet de poursuivre la vente des produits quand l'emprunteur ne satisfait pas à ses obligations. Et dans le cas d'endossement du warrant une seconde procédure dite de recours est nécessaire si le porteur du warrant n'est pas désintéressé de sa créance sur le produit de la vente.

Telles sont, à notre avis, les difficultés d'application des warrants agricoles. Est il possible d'apporter un remède dans ce sens? Nous ne le croyons pas, car ces difficultés viennent de la nécessité de sauvegarder l'intérêt du propriétaire du fonds et du prêteur. Et il apparaît ainsi que le warrant agricole ne sauraît être un instrument de crédit auquel nos populations rurales d'après guerre feront un très large appel.

Subjectivement donc, l'institution a des tares rédhibitrices.

Voyons maintenant, relativement à son objet, si l'esprit dans lequel elle est conçue répond bien à la nature du crédit qu'on doit en attendre.

Ici encore, il est permis de penser que la loi est mal adaptée aux besoins agricoles, que sa base d'application est trop étroite, le warrant ne pouvant être constitué que pour gager un emprunt. A ce propos, il est intéressant de rapporter l'opinion d'un spécialiste très autorisé des questions d'économie rurale, M. Gauwain.

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« Cette loi, disait à l'Académie d'agriculture l'éminent professeur de l'Institut agronomique, ne permet à l'agriculteur de créer de warrant que lorsqu'il emprunte et au profit du prêteur. Pour s'en convaincre, il suffit de parcourir la loi on n'y rencontre jamais que les mols l'emprunteur, l'emprunt, et les sommes à emprunter. Je sais bien que la plupart du temps c'est une garantie de l'emprunt que le warrant sera constitué, mais les agriculteurs auraient le plus grand intérêt à pouvoir constituer des warrants en garantie d'autres dettes que celles qui résultent d'emprunts et au profit d'autres créanciers que les prêteurs. Ne permettre la constitution du warrant agricole qu'à l'occasion et en garanties d'obligations résultant d'un prêt est l'établir, à mon avis, sur une base trop étroite. Il y a d'autres contrats que le contrat de prêt; le cultivateur peut être débiteur du prix d'acquisition de terres, de bétail, d'engrais, par exemple; pourquoi ne pourrait-il pas constituer un warrant au profit de son vendeur?

« Il y a aussi d'autres sources d'obligations que les contrats. L'agriculteur peut avoir été constitué débiteur à raison de responsabilités encourues par suite de la communication de l'incendie à une propriété voisine par exemple: pourquoi ne pourrait-il, pas afin d'obtenir des délais et d'éviter des poursuites, donner en gage les produits de son exploitation à la partie lésée? Je pourrais multiplier les exemples. Ils suffisent pour démontrer l'infériorité à ce point de vue, du warrant agricole constitué conformément à la loi du 30 avril 1906 vis-à-vis du warrant industriel ou commercial constitué conformément à la loi du 28 mai 1858. L'industriel ou commerçant qui s'est procuré par voie d'achat des matières premières ou des marchandises peut constituer un warrant au profit de son vendeur et le plus souvent c'est dans ce but que le warrant commercial est créé, il m'est également loisible de constituer un warrant au profit d'autres créanciers, quelle que soit la cause de sa dette. L'agriculture ne le peut pas le warrant agricole ne doit être créé qu'à l'occasion et à la garantie d'un emprunt... »

Et plus loin M. Gauwain poursuit : « Le warrant de la loi du 28 mai 1858 peut être constitué pour la garantie d'une dette antérieure au profit de laquelle le créancier n'avait demandé à l'origine aucune sûreté réelle... L'agriculteur aurait-il le même droit? Pourra-t-il créer un warrant pour une opération antérieure à la constitution du warrant lui-même ? La question me paraît extrêmement douteuse... parce que dans notre législation le principe de l'obligation pour celui qui crée un droit de gage de se dessaisir des choses sur lesquelles porte ce gage demeure la règle et que, s'il y a été dérogé par la loi du 30 avril 1906

1. Académie d'agriculture, séance du 4 mars 1914 (l'Application de la loi sur les warrants agricoles).

au profit des agriculteurs, c'est seulement dans les conditions strictement fixées par cette loi et aussi parce que les privilèges... doivent être interprétés restrictivement... >>

Ces réflexions de M. Gauwain nous paraissent très justes et nous y souscrivons bien volontiers.

Toutefois, la guerre a posé une telle quantité de problèmes nouveaux dont la solution doit, même en l'absence des textes et de jurisprudence, s'interpréter dans le sens le plus favorable aux intérêts en présence qu'il y a lieu, croyons-nous, de faire ce que le bon sens commande; en effet, on ne voit pas logiquement pour quelles raisons il ne pourrait être constitué de warrant pour garantir ultérieurement un emprunt antérieur ou même une obligation dans l'acception large du mot. Il ne semble pas que le juge appelé à connaître des faits juridiques de cette nature puisse raisonnablement renfermer l'institution du warrant dans le cercle étroit d'une législation un peu timide.

En étendant, dans ce sens, le cadre d'application de la loi, on pourra peut-être espérer vaincre les résistances que nous avons signalées dans le cours de cet article et imposer l'institution des warrants à l'attention du monde agricole.

Abel BECKERICH.

LE PREMIER CONGRÈS GÉNÉRAL

DU

GÉNIE CIVIL NATIONAL ET INTERALLIÉ

La production nationale se trouvera, au lendemain de la conclusion de la paix, en face de difficultés dont nul ne saurait contester ni la nouveauté ni l'étendue. La réparation matérielle des dommages de la guerre n'est point la seule tâche qui s'imposera aux entreprises de toute nature: si la reconstruction des villes ravagées par une sauvagerie systématique, le relèvement des usines détruites et la restauration des cultures bouleversées sont les premières œuvres que commandera le patriotisme et la solidarité nationale, la rénovation des méthodes est une tâche non moins urgente pour le succès des œuvres d'aprèsguerre.

En un mot, il comporte de réaliser l'organisation scientifique, technique et économique de toutes les industries.

Telle est la formule par laquelle le Congrès général du Génie civil a voulu traduire et résumer ses buts: elle en signale le triple caractère par l'appel qu'il adresse à la science pour la mise en œuvre des procédés de la technique et par l'orientation qu'il donne à l'une et à l'autre vers la fin économique de la production; elle atteste un hommage rendu, non seulement à la science mathématique dans les appli cation qu'elle détermine ou dirige, mais encore à la science économique dans les solutions qu'elle apporte ou suggère.

L'organisation scientifique d'une industrie suppose, en effet, le recours aux inventions les plus récentes, aux procédés de vérification les plus précis, aux contrôles les plus rigoureux dans l'ordre mécanique, physique ou chimique.

L'organisation technique d'une industrie comporte l'emploi des appareils les plus satisfaisants au double point de vue de la qualité du produit et de la célérité de l'exécution, c'est-à-dire sous le double rapport de la perfection et de l'abondance de la production.

L'organisation économique d'une industrie exige à la fois dans le domaine de la matière inerte, dans celui du personnel humain et dans celui des débouchés la meilleure utilisation possible des ressources à mettre en œuvre d'une part, la disposition rationnelle des installations, l'agencement méthodique des appareils, le choix approprié des matériaux à ouvrer, l'apport systématique et opportun des éléments de la production; d'autre part, le recrutement d'une main-d'œuvre compétente et disciplinée, l'utilisation des forces physiques et des facultés intellectuelles dans les opérations demandées au personnel, la division du travail pour les uns, la spécialisation des tâches pour les autres, la rémunération de l'effort en raison de sa productivité, la coordination des forces mécaniques et des forces humaines par une assistance et une adaptation chaque jour plus efficaces de la nature mise au service de l'homme; enfin le souci non seulement de pourvoir aux besoins connus du consommateur, mais encore d'en susciter de nouveaux par l'offre de produits capables de solliciter ses goûts naturels sans combattre sa légitime préoccupation de l'épargne, la recherche des débouchés les plus avantageux soit dans le pays soit à l'étranger, la mise en œuvre des moyens que la liberté offre aux producteurs pour soutenir à l'intérieur la concurrence de leurs compatriotes et à l'extérieur celle de leurs rivaux; d'une manière générale, le sentiment supérieur d'un besoin d'association des intérêts en présence, aussi bien entre patrons et ouvriers qu'entre producteurs et consommateurs.

L'organisation économique apparaît ainsi comme la résultante de l'organisation scientifique et de l'organisation technique qui en constituent le substratum et l'outillage elle réclame du reste, comme les deux autres, des moyens d'action d'ordre physique et d'ordre moral des ressources financières et matérielles et des concours humains, c'est-à-dire, d'une part, des banques et des moyens de communication et de transports; d'autre part, des négociants avisés, des voyageurs actifs et des exportateurs à la fois hardis et prudents. Elle ne peut d'ailleurs exister sans une élite de chefs d'entreprise dont la formation morale soit aussi parfaite que la formation intellectuelle, et une armée de travailleurs expérimentés, actifs, sûrs de leur présent par l'obtention de salaires élevés et par la généralisation des mesures de sécurité et d'hygiène, et sûrs de leur avenir, grâce à la diffusion des diverses formes de la prévoyance.

Cet exposé général peut être présenté comme le programme des travaux du Congrès. Au reste, la caractéristique de cette réunion de compétences et de travaux est la tenue de séances préparatoires durant des mois avant la convocation des assises solennelles, dont l'objet semble devoir être le simple entérinement des propositions formulées et des vœux émis par les sections du Congrès au cours de

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