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>> nouvelles? Quelles nouvelles peuvent être >> plus étonnantes que de savoir que l'homme >> de Macédoine fait la guerre aux Athéniens, et » qu'il dirige à son gré les affaires de la Grèce? >> Philippe est-il mort? non, mais il est ma» lade. Et que vous importe qu'il soit mort ou » en vie? Si ce Philippe mouroit, vous en feriez » bientôt paroître un autre ». Sans le secours de l'interrogation, tout ceci auroit paru foible, et fait peu d'impression: mais la véhémence de l'interrogation fixe l'attention de l'auditeur et frappe vivement son imagination.

On peut se servir convenablement de l'interrogation dans des circonstances où l'émotion est médiocre ; par exemple, dans le cours d'une discussion sérieuse et serrée : mais les exclamations ne conviennent que dans les occasions. où l'esprit est agité avec violence, dans des momens de surprise, d'admiration, de colère, de joie, de douleur, etc.

Heu pietas ! heu prisca fides! invictaque bello
Dextera !

L'interrogation, l'exclamation et toutes les figures passionnées qui appartiennent au discours, agissent sur nous par sympathie. Cette

dernière est un principe étendu et puissant, qui tient à la nature humaine, et nous dispose à partager les émotions et les passions exprimées par les autres. Qu'en entrant dans un cercle, une personne ait l'air d'être agitée par une joie vive ou par un chagrin cuisant, dans l'instant on verra ce sentiment se peindre sur la figure de tous ceux qui composent la compagnie. C'est par cette raison qu'il est si facile d'enflammer une multitude rassemblée. Des cris, des regards et des gestes animés propagent rapidement la contagion. Les interrogations et les exclamations étant les signes naturels d'un esprit fortement agité, ils nous disposent toujours à sympathiser avec ceux qui savent les employer habilement.

Il s'ensuit que la grande règle, relativement à la conduite de ces figures, consiste à étudier comment la nature exprime ses émotions et ses passions. C'est cette manière qui doit fixer l'attention de l'écrivain et son choix d'expressions. Mais il doit se tenir pour dit, que pour exprimer une passion, il faut la sentir, et qu'il n'y réussira pas, si son esprit est calme et tranquile. On peut user assez librement des interrogations, parce que, comme je l'ai déjà observé, elles s'adaptent au discours ordinaire,

et aux circonstances où l'esprit n'est point censé être fortement ému: mais on doit être

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beaucoup plus réservé pour les exclamations. Rien ne peut produire un plus mauvais effet que leur répétition fréquente. De jeunes écrivains sans expérience, imaginent qu'une profusion de ces figures doit donner de la force et de la chaleur à leurs compositions; mais elles produisent précisément l'effet contraire. Lorsqu'un auteur interpelle sans cesse nos passions, sans nous avoir rien présenté qui puisse les émouvoir, il nous glace et nous dégoûte. Nous ne pouvons point partager une passion qu'il ne nous montre pas; ce sont des mots, et non de la passion, qu'il étale; il ne peut donc pas nous en inspirer, à moins que ce ne soit l'indignation. Et je ne suis pas fort éloigné d'approuver la méthode d'un homme de lettres, qui, en ouvrant pour la première fois un livre nouveau, parcouroit des yeux un certain nombre de pages, et renonçoit à le lire, lorsqu'il les trouvoit parsemées de ce qu'on appelle un point d'admiration. A la vérité, sans le secours de ce point d'admiration, si fréquent dans certains ouvrages du genre emphatique, on seroit souvent fort embarrassé de savoir si c'est une exclamation que

COURS DE RHEÉTORIQUE, l'auteur vouloit faire; car il est passsé en usage parmi ces écrivains, de placer des points d'admiration à la fin des sentences qui ne contiennent que des affirmations ou des simples propositions, comme si ils espéroient de nous les faire considérer, au moyen de cette ponctuation, comme des chefs-d'œuvre d'élo-. quence. Quelques auteurs ont encore introduit une invention du même genre; celle de séparer par un trait les membres d'une sentence, comme si cela pouvoit ajouter au degré de leur importance, et nous obliger de peser sur chaque mot avec plus d'attention. Il me semble qu'on pouroit appeller ceci une figure typographique. Et puisque je suis en train d'examiner les nouvelles inventions, j'en citerai ici encore une autre tout aussi peu digne d'imitation; celle de distinguer les mots marquans par des lettres italiques. Cette distinction peut quelquefois être convenable; mais lorsqu'on lui donne trop d'extension, et qu'on marque ainsi tous les mots auxquels on suppose de l'importance, l'imagination de l'auteur est sujette à les multiplier, de manière que toutes les pages se trouvent surchargées de lettres italiques, qui ne peuvent produire d'autre effet qu'une confusion désagrable à la vue.

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Si le sens ne suffit pas pour indiquer les expressions signifiantes, le changement de caractère sera d'un foible secours, particulièrement lorsqu'il revient sans cesse. Les bons auteurs ont renoncé avec grande raison à toutes ces petites charlatanneries, et, pour fixer l'attention des lecteurs, ils ne comptent que sur le mérite réel de leurs ouvrages. Mais je reviens à mon sujet; cette digression est déjà trop longue.

Une autre figure du discours, et propre seulement à donner de la chaleur aux compositions, est celle que quelques critiques ont nommée vision; c'est lorsqu'en racontant un évènement passé, nous faisons usage du temps présent, c'est-à-dire, comme s'il se passoit sous nos yeux, au moment même où nous le racontons. Comme, par exemple, Cicéron dans son oraison contre Catilina : « Videor >> enim mihi hanc urbem videre, lucem orbis >> lerrarum atque arcem omnium gentium, >> subitò uno incendio concidentem ; cerno » animo sepulta in patria miseros atque insepultos acervos civium; versatur mihi ante. >> oculos aspectus Cethegi, et furor, in vestra >> cæde, bacchantis (1) ». Ce genre de descrip

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(1) Il me semble voir cette ville, la capitale, l'or

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