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mémoire; de fermer alors le livre, d'essayer d'écrire de son mieux le passage, et de le comparer ensuite avec la diction de l'auteur. La comparaison fera connoître les fautes de style qu'on aura commises, et indiquera, par les différentes manières d'exprimer une pensée, celle qui mérite la préférence.

Mais il n'est pas moins essentiel d'éviter l'imitation servile d'un auteur, quel qu'il puisse être. Elle entrave le génie et donne au style un air guindé. D'ailleurs l'imitation trop rigoureuse est sujette à comprendre les défauts avec les beautés. Celui qui n'a point assez d'assurance pour suivre, à certain point, l'impulsion de son propre génie, ne parviendra jamais ni à bien écrire ni à bien parler. Il faut se défendre particulièrement d'adopter les tours de phrases dont un auteur quelconque fait un usage fréquent, et d'en transcrire des passages. Il vaut beaucoup mieux ne présenter que les beautés médiocres qui nous appartiennent, que d'en dérober ou emprunter de brillantes qui décèleroient bientôt l'aridité de notre génie. Relativement à la composition, la correction, la lecture et l'imitation, j'invite tous ceux qui étudient l'art oratoire, à consulter le dixième livre des Institutions de Quintilien;

ils y trouveront une infinité d'observations trèsinstructives qui méritent de fixer leur attention.

ou

Une autre règle très-importante et d'une nécessité facile à sentir, consiste à toujours adapter son style au sujet qu'on traite, et à la capacité des auditeurs, si c'est un discours public. Rien n'est jamais ni beau ni éloquent s'il ne convient pas à la circonstance ou aux personnes auxquelles on l'adresse. Il seroit de la dernière absurdité de vouloir argumenter ou raisonner en style fleuri ou poëtique, d'employer des expressions pompeuses en parlant à des personnes qui n'entendent rien à cette magnificence. Ce n'est point ici seulement un défaut de style, mais un défaut de bon sens. Lorsqu'on se propose de parler ou d'écrire, il faut commencer par concevoir bien clairement quel est le but du discours, ne jamais le perdre de vue, et choisir en conséquence le genre de style qui convient. Si nous ne savons pas sacrifier à ce principal objet tous les ornemens déplacés qui se présentent à notre imagination, nous sommes impardonnables; les enfans et les sots nous admireront peut-être, mais les hommes de bons sens se mocqueront de nous et de notre style.

En terminant sur ce sujet, je répéterai une observation que j'ai déjà faite ; c'est que l'attention pour le style ne doit être que secondaire, et qu'il faut principalement s'occuper de la pensée. J'appuie sur cette règle indiquée par le bon sens, parce que les écrivains de notre siècle en général, semblent accorder plus d'importance au choix du style qu'à celui des pensées. Il est plus aisé de déguiser des idées communes et insignifiantes, au moyen des expressions pompeuses, que d'en présenter de neuves, d'ingénieuses ou d'utiles; celles-ci exigent du

génie, et pour les autres il suffit d'un peu

d'industrie, aidée de talens médiocres; aussi voyons-nous un grand nombre d'écrivains superficiels, abondans pour le style, et très-stériles pour le sentiment. Nos oreilles sont si habituées aux styles ornés et corrects, qu'un écrivain ne peut plus se dispenser d'en faire une étude. Mais celui qui borne là son ambition sera toujours un mince compositeur. Majore animo, dit l'écrivain que j'ai cité si fréquemment, « aggredienda est eloquentia; quæ >> si toto corpore valet, ungues polire et capil>>lum componere, non estimabit ad curam » suam pertinere. Ornatus et virilis et fortis » et sanctus sit; nec effeminatam levitatem,

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>> et fuco ementitum colorem amet; sanguine » et viribus niteat (1) ».

(1) Ceux qui étudient l'éloquence, doivent porter plus haut leurs pensées. Ils doivent s'occuper principalement de la vigueur et de la santé du corps entier, et ne pas donner toute leur attention à des soins minutieux, comme de peigner leurs cheveux et de rogner leurs ongles. Les ornemens du style doivent être mâles et modestes. Son éclat ne doit pas être artificiel, mais réel comme celui de la santé et de la force.

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Eloquence ou discours publics; histoire de l'éloquence; éloquence des Grecs; de Démosthènes.

A YANT terminé la partie de ce cours qui concerne le langage et le style, nous allons passer à l'examen des sujets auxquels ce dernier s'emploie. Je commencerai par l'éloquence proprement dite, ou les discours publics. Je considérerai les différentes espèces de ces discours, la manière qui convient particulièrement à chacune, leur distribution, la conduite de toutes leurs parties, et enfin le débit ou la prononciation. Mais avant de traiter ces articles, il convient d'examiner la nature de l'éloquence en général, et ce qu'elle a été dans différens pays à des époques différentes. Ceci nous entraînera dans des détails, mais j'espère qu'ils pourront être utiles; car, pour réussir dans un art quelconque, il est important de se faire une idée juste de sa perfection, de son but et du cours de ses progrès parmi les hommes.

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