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Une suite de syllabes brèves donnent l'idée d'un mouvement rapide, comme :

Quadrupedante putrem sonitu quatit ungula campum.

Ou ce vers français :

Le moment où je parle est déja loin de moi.

Homère et Virgile étoient grands amateurs de cette beauté. Leurs ouvrages en offrent une infinité d'exemples, la plupart si connus et si souvent cités, qu'il seroit superflu de les rapporter.

Les passions et les émotions de l'ame ou de l'esprit composent la troisième classe que le son des mots peut représenter. Au premier coup-d'œil, le son peut paroître fort étranger à ces objets; mais l'existance d'une sorte de relation entre eux est suffisamment démontrée par le pouvoir qu'a la musique d'exciter ou d'animer certaines passions, et de changer successivement la disposition de l'esprit par les variations de ses mesures. Logiquement par-, lant, on ne peut pas dire que ceci constitue une ressemblance entre le séns et le son; des syllabes longues ou brèves n'ont d'affinité, ni avec les passions ni avec les pensées; mais si au

moyen de leur son seulement, l'arrangement des mots rappelle certaines idées plutôt que d'autres, si il dispose l'esprit à recevoir l'impression que le poëte veut lui faire éprouver, on peut dire, avec une apparence de raison, que cet arrangement a de l'analogie avec le sens, ou au moins de la relation. Je conviens, que dans un grand nombre de passages, où on assure que cette analogie de son avec le sens est sensible, l'imagination a beaucoup à travailler pour la découvrir; et qu'il arrive à quelques lecteurs d'admirer ce genre de beauté où d'autres n'en apperçoivent pas la moindre apparence. C'est parce que les premiers sont disposés différemment, et que la musique ou la mélodie qu'ils croient entendre est le produit de leur propre imagination; on ne peut pas nier toutefois qu'il n'existe des exemples de cette espèce, et que la poësie est capable d'en, produire.. L'ode anglaise de Dryden, sur la fête de sainte Cécile, en offre un de la plus grande beauté. J'ai déjà observé que le poëte qui veut exprimer le plaisir, la joie, ou des objets agréables, n'a pas besoin de beaucoup d'étude ou de réflexion pour le déterminer à choisir des termes convenables, pour peu qu'il considère la nature de son sujet, les mots gracieux, coulans et doux

se présenteront naturellement à son imagina

tion.

Namque ipsa decoram

Cæsariem nato genitrix, lumenque juventæ
Purpureum, et lætos oculis afflarat honores.

Ou

Eneid. I.

Devenere locos letos et amena vireta,
Fortunatorum nemorum, sedesque beatas;
Largior hic campos other, et lumine vestit
Purpureo, solemque suum, sua sidera nôrant.

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Les longs mots et les mesures lentes conviennent aux sujets tristes et à la mélancolie:

Et caligantem nigrâ formidine lucum.

Et l'ode de Rousseau contre les calomniateurs :

Dans ces jours destinés aux larmes
Où mes ennemis en fureur
Aiguisoient contre moi les armes
De l'imposture et de l'erreur :

Lorsqu'une

Lorsqu'une coupable licence

Empoisonnoit mon innocence,

Le seigneur fut mon seu! recours;
J'implorai sa toute-puissance

Et sa main vint à mon secours.

On trouvera une infinité d'exemples de cette espèce, dans tous les bons poëtes anciens et modernes. Les notions que j'ai données sur ce sujet sont suffisantes, et je termine ici ma dissertation sur la construction des sentences considérées relativement à la clarté, l'unité, la force et l'harmonie.

Tome II.

QUATORZIÈME LEÇON.,

Origine et nature du style figuré.

APRES avoir terminé mes observations sur tout ce qui concerne la construction des sentences, je passe à d'autres règles relatives au style. Dans ma division générale, j'ai distingué deux qualités du style, la clarté et l'ornement. J'ai considéré la clarté des termes et celle des sentences; j'ai traité des ornemens qui dépendent de la force ou de la grâce des expressions, et de l'harmonie de leur construction. Nous fixerons ici notre attention sur une autre branche d'ornemens qu'on nomme le style figuré. Cette branche est très-étendue; elle exigera, en conséquence, une discussion proportionnée. Nous examinerons d'abord ce qu'on entend par les figures du discours (1). En général,

(1) Tous les auteurs qui ont écrit sur la rhétorique ont traité très au long du discours figuré, et il seroit superflu de rebattre un sujet si connu. Sur les bases du langage figuré, en général, j'invite à lire le traité de M. du Marsais, intitulé: Traité des Tropes,

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