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jeunes et belles. On prend aussi quelquefois le sujet pour son attribut. Mais, à quoi bon prolonger une énumération si peu utile ? J'en ai dit assez pour donner un apperçu de la grande variété de relations qu'ont entr'eux les objets, pour montrer qu'elles servent à faire passer facilement l'esprit de l'un à l'autre, et à lui faire concevoir clairement l'échange dcs noms, lorsque celui de l'un est appliqué à l'autre.

Je n'ai point encore parlé de la plus utile relation des tropes. Elle consiste dans une similitude ou ressemblance. C'est sur cette relation qu'est fondée ce qu'on nomme une métaphore lorsqu'au lieu du nom propre d'un objet, on substitue celui d'un autre objet qui lui ressemble, c'est une sorte de portrait qui éveille plus vivement et plus agréablement la conception. Cette figure est d'un usage plus général et plus fréquent que toutes les autres ensemble; et le discours, soit en prose ou en vers, lui est redevable d'une grande partie de son élégance et de ses grâces. Il convient', par conséquent, d'en traiter à fond, et j'en ferai le sujet de ma leçon suivante.

par

QUINZIÈME LEÇON.

Métaphore.

APRÈS avoir terminé mes observations préliminaires sur le langage figuré en général, je passe à l'examen des figures les plus usitées dans le discours, et qui méritent de fixer particulièrement notre attention. Je commence la métaphore. Cette figure est absolument fondée sur la ressemblance d'un objet avec un autre; elle tient, par conséquent, de près à la comparaison, et n'est même véritablement qu'une comparaison abrégée. Lorsque je dis d'un grand ministre qu'il soutient l'état comme un pilier soutient un édifice, je fais évidemment une comparaison; mais si je dis d'un ministre qu'il est le pilier ou l'arc-boutant de l'état, c'est une métaphore. La comparaison du ministre au pilier se fait mentalement, mais elle n'est point spécifiée dans l'expression; elle est indiquée, mais non pas exprimée. Les deux objets sont censés si ressemblans, qu'on peut mettre le nom de l'un à la place de

l'autre, sans faire formellement la comparaison. « Ce ministre est le pilier de l'état » est une manière plus concise et plus vive de présenter à l'imagination une ressemblance; rien ne la flatte autant que de comparer ainsi les objets, et d'en découvrir la similitude. Lorsque l'esprit s'en occupe, il s'exerce sans fatigue, et jouit du sentiment de son intelligence. Il ne faut pas s'étonner si toutes les langues sont parsemées de nombreuses métaphores; elles s'insinuent jusques dans la conversation, et se présentent à l'imagination sans qu'on les cherche. Les mots dont j'ai fait usage dans cette description en sont une preuve. Lorsque j'ai dit que les métaphores s'insinuent jusques dans la conversation, et que toutes les langues en sont parsemées, ces expressions sont ellesmêmes très-métaphoriques; elles ne sont toutefois ni moins claires, ni peut-être moins expressives que les termes ordinaires dont j'aurois pu me servir.

Quoique toute métaphore implique une comparaison, et qu'en conséquence on doive la classer parmi les figures de la pensée, cependant, comme les mots qu'elle contient ne sont point pris littéralement, mais dans le sens figuré, on considère généralement la méta

phore comme faisant nombre parmi les tropes ou les figures des mots; mais, pourvu qu'on en conçoive clairement la nature, peu i̇mporte qu'on la nomme un trope ou une figure. J'ai dit qu'elle ne consiste que dans l'expression d'une ressemblance entre deux objets, mais je dois cependant observer qu'on donne quelquefois plus vaguement le nom de métaphore à l'application d'un terme dans un sens figuré quelconque, soit que la figure soit fondée sur une ressemblance ou sur quelqu'autre relation entre deux objets. Lorsque des cheveux blancs signifient la vieillesse, et qu'on dit, par exemple: «Porter douloureusement ses cheveux gris dans la tombe, » quelques écrivains appelleroient cela une métaphore, quoique ce soit, à parler strictement, ce que les rhétoriciens nomment une métonimie, c'est-à-dire, un effet mis en place de sa cause. Les cheveux sont l'effet de la vieillesse, mais ne présentent aucune espèce de ressemblance. Dans sa poëtique, Aristote considère la métaphore dans ce sens étendu, et en donne le nom à tous les sens figurés qu'on applique à un mot, comme à un tout pris pour une partie, ou à une partie prise pour le tout; à un genre pris pour l'espèce, et à l'espèce prise pour un genre: il seroit toutefois injuste

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et

d'accuser cet ingénieux écrivain d'inexactitude. Les minutieuses subdivisions des tropes, leurs différentes dénominations inconnues de son temps, sont d'une invention plus récente ; mais, aujourd'hui qu'elles sont établies, il seroit irrégulier de donner indistinctement à tous les mots, pris dans le sens figuré, le nom de métaphores.

De toutes les figures du discours, aucune n'approche de la peinture autant que la métaphore. Son effet principal est de donner à une description de la force et de la clarté, de rendre en quelque sorte les idées intellectuelles apparentes à la vue, en leur prêtant des couleurs, de la substance, et des qualités sensibles. Mais pour produire cet effet, il faut une main habile, car il pourroit résulter d'une légère faute d'exactitude, qu'au lieu de répandre la lumière, on produiroit la confusion. Il est donc nécessaire d'établir des règles pour la conduite des métaphores ; mais, avant de m'en occuper, je citerai une métaphore qui fera mieux sentir le mérite de cette figure. J'ai extrait ce passage des observations du lord Bolymbroke sur l'histoire d'Angleterre ; c'est au sujet de la conduite de Charles Ier. vis-à-vis de son dernier parlement : « Enfin, dit-il, après un << mois

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