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» Le sanglier de la forêt la ravage, et elle >> sert de pâture aux bêtes farouches.

>> Dieu des armées, reconciliez-vous avec » nous; regardez du ciel, voyez cette vigne, >> et visitez-là.

>> Visitez celle que votre main a plantée, et » le fils de l'homme que vous avez choisi pour » être toujours à vous.

» Elle a été coupée et brûlée par les enne» mis, mais ils périrent par les menaces de >> votre colère, etc.»

Il n'y a point ici de circonstances qui ne puisse strictement convenir à une vigne, et, en même temps, à la situation du peuple juif, représenté sous cette figure. La première règle, et la plus essentielle pour la conduite d'une allégorie, consiste à ne point entremêler inconsidérément le sens figuré avec le sens littéral. Si, par exemple, au lieu de représenter la vigne comme ravagée par le sanglier de la forêt, et dévorée par les bêtes farouches, le psalmiste eût dit, conformément au véritable. sens: « elle est la proie des payens, et sous le joug de ses ennemis ; » il n'étoit plus question de l'allégorie; elle disparoissoit, et il en sercit résulté une confusion semblable à celle des métaphores précédemment citées, dans les

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quelles le sens figuré se trouve confondu avec le sens littéral. Les règles que j'ai établies pour les métaphores peuvent également s'appliquer aux allégories. La seule différence essentielle, entre ces deux figures, indépendaniment de ce que la première est courte et l'autre prolongée, consiste en ce que la métaphore s'exprime toujours en termes qui ont, dans leur sens naturel, une relation avec l'objet qu'ils représentent; comme quand je dis : « Achille étoit un lion; un habile ministre est la colonne de l'état ». Le nom d'Achille ou de ministre, que je joins à ceux de lion ou de colonne, expliquent suffisamment ce qu'ils signifient. Mais pour l'allégorie, on peut se dispenser de la relation dans le sens littéral, et d'indiquer le sens d'une manière aussi distincte; on peut laisser de l'exercice à la réflexion.

Dans leurs instructions, les anciens faisoient, le plus souvent, usage du style allégorique. Les fables et les paraboles n'étoient que des allégories ou des discours et des actions attribués aux animaux ou à des choses inanimées qui représentoient les dispositions des hommes; et ce que nous nommons la morale des fables, n'est que l'interprétation littérale de l'allégorie dégagée de son sens

figuré. Une énigme est aussi une espèce d'allégorie. C'est une chose qui est représentée par une autre, et enveloppée volontairement de circonstances propres à la rendre difficile à découvrir; mais l'obscurité est toujours un défaut dans l'allégorie, lorsqu'on n'a point l'intention d'en faire une énigme. Il faut qu'on puisse facilement appercevoir le sens à travers la figure qui la déguise; mais il n'est pas aisé de saisir le juste degré d'ombre et de clarté nécessaire, et l'allégorie est peutêtre le genre de composition le plus difficile à exécuter de manière à plaîre au lecteur et à disposer, jusqu'au bout, de son attention.

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SEIZIÈME LEÇON.

Hyperbole, personnification, (1) apostrophe.

la

JE traiterai, dans cette leçon, de l'hyperbole ou de l'exagération. Elle consiste à augmenter ou aggrandir un objet, à l'étendre au-delà de ses bornes naturelles ou ordinaires. On peut considérer quelquefois comme un trope, et quelquefois comme une figure de la pensée. Ici la distinction de ces deux classes devient à la vérité peu sensible, et n'est point assez importante pour qu'on cherche à la fixer au moyen des subtilités métaphysiques. Soit que nous la nommions un trope ou une figure, il n'en sera pas moins évident que cette façon de parler est fondée, à certains égards, sur la nature. Dans toutes les langues, et même dans les conversations or

(1) Personnification n'est point un terme admis dans notre langue; mais il devroit l'être, et je n'en connois point qui puisse le remplacer.

dinaires, on fait un usage fréquent des expressions hyberboliques, comme : « Aussi léger que le vent, blanc comme la neige, etc. »> Nos complimens d'usage ordinaire sont presque tous des hyperboles outrées. Si une chose nous paroît belle, bonne ou grande dans son genre, nous ne manquons presque jamais d'y ajouter quelque épithète exagérée, et d'en faire la plus belle ou la meilleure chose que nous ayons vue. L'imagination a naturellement une propension à étendre ou exagérer son objet. Les expressions hyperboliques sont plus ou moins usitées dans une langue en proportion de la vivacité du peuple qui la parle, et c'est toujours parmi les jeunes gens que l'hyperbole est plus commune. Les langues orientales étoient infiniment plus hyperboliques que celles de l'Europe, où les habitans sont plus flegmatiques, ou ont, si vous voulez, l'imagination plus correcte. On ne doit donc pas être surpris de trouver cette figure en plus grande profusion chez les écrivains de l'antiquité, et particulièrement des siècles où la société, à peine débrutie, étoit encore dans son enfance. L'expérience et les progrès de la société calment l'ardeur de l'imagination, et les expressions deviennent plus modérées.

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