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M. l'abbé de Maulevrier, tout ouverte, avec celle que j'ai reçue de lui, afin que vous voyiez ma pensée. Elle n'est point de faire cette assemblée de huit personnes. M. le Merre et M. de Toul, joints à M. Boileau, ne serviraient qu'à nous embarrasser. Je prierai M. de Paris de voir M. le Merre en particulier, comme un laïque, et de réduire l'assemblée à MM. Tronson, de Beaufort et Boileau. Pour M. de Toul, je vous supplie bien sérieusement de ne perdre ni votre temps ni votre peine à raisonner avec lui. Il suffit de le prier de nous tolérer dans l'Église, quoique nous admettions un milieu entre la cupidité vicieuse et la charité. Il nous doit la même tolérance qu'il accorde à tant de docteurs et d'autres théologiens qui le croient comme nous. Il serait ridicule de disputer sur des opinions libres, pendant qu'on fait accroire au monde que je renverse la foi chrétienne. Tâchez de faire entendre à M. l'abbé de Maulevrier mes raisons, pour tâcher de tourner autrement l'assemblée. Montrez, je vous prie, à M. Tronson l'endroit de ma dernière Réponse à M. de Meaux, où je distingue la cupidité soumise, ou amour naturel de nous-mêmes, d'avec l'amour surnaturel d'espérance. C'est ce qui effraie sans sujet tous les amis du père de Valois. Quand j'ai parlé de la cupidité soumise à la charité, ce n'a été que pour me servir de l'expression de saint Bernard. Puisqu'on s'effarouche là-dessus, je ne parlerai que d'amour naturel de nous-mêmes, et je répéterai, tant qu'on le voudra, qu'il est très-distingué de l'amour naturel d'espérance. Peut-être faudrait-il que le père de Valois vous fit avoir chez lui une conversation avec MM. de Précelles et Boucher le jeune. Ce temps-là serait mieux employé que vos combats de paroles avec M. de Toul. Je vous demande toujours un court extrait des cahiers de M. Pirot à la marge.

Cupio te in visceribus Christi Jesu.

(Même jour).

M. l'archevêque de Paris a été un peu incommodé, et s'est fait saigner. Ainsi il ne viendra point si tôt à Versailles. Ayez la bonté, mon cher abbé, d'aller chez lui pour lui témoigner combien je m'intéresse à sa santé. Vous pourrez en même temps lui faire entendre que l'assemblée (s'il vous en parle) ne conviendrait point avec tant de gens, surtout avec un laïque avocat (M. le Merre); que cela serait fort mal expliqué; qu'il vaut mieux, ce me semble, qu'il le voie en particulier; qu'il serait naturel de se réduire à M. Tronson et à MM. de Beaufort et Boileau, qui sont de sa maison. Tout le reste fera trop de bruit, et il vaut mieux voir les gens séparément. Toutes Jes difficultés qu'il aura, soit sur mon livre, soit sur

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mon Eclaircissement, soit sur la conformité de mon Éclaircissement avec mon système, peuvent être même traitées sans faire beaucoup d'assemblées. M. de Beaufort peut vous les communiquer; vous me les communiquerez : j'éclaircirai exactement toutes choses l'une après l'autre et courtement, à mesure qu'on me les marquera.

Si vous ne pouvez pas voir M. de Paris, ayez la bonté de voir M. de Beaufort pour lui dire ce que vous diriez à M. de Paris; car il faut détourner cette assemblée. Je crois même que, quand vous auriez vu M. de Paris, il faudrait toujours voir M. de Beaufort, avec qui il est bon que vous fassiez un peu connaissance.

Je vous conjure, mon cher abbé, de ménager votre santé. Je fais copier la lettre à la carmélite 1, pour vous l'envoyer, afin que vous la donniez à M. Tronson. J'aime tendrement l'abbé de Maulevrier, et je lui dois tout ce qu'on peut devoir à un ami; mais je voudrais qu'il fût parti. Bonjour. Dominus illuminatio mea, etc.

M. Quinot doit aller demain à Paris; il vous portera les remarques de M. de Précelles et celles de M. de Chartres. Comme M. Quinot est ami de M. de Précelles, il pourrait l'engager à une conversation avec vous chez M. Tronson. Cela vaut mieux que chez le père de Valois, de peur de commettre ce bon Père, qui est la prunelle de l'œil pour moi, tant | j'ai à cœur de le ménager.

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J'ai promis mon Éclaircissement à M. l'archevêque de Rouen, et il serait très-offensé que je ne le lui donnasse point. D'ailleurs cet écrit ne peut plus être secret. Quand même il serait défectueux, ce ne serait pas un grand malheur qu'il y eût un homme de plus qui l'eût lu. Enfin l'unique difficulté de mon Éclaircissement, c'est que ceux qu'on appelle molinistes ont craint que je ne voulusse confondre la cupidité soumise avec l'amour surnaturel d'espérance: chose que je n'ai jamais pensée, et sur laquelle ils ont été ombrageux. D'un autre côté, ceux qui se disent augustiniens ne peuvent digérer un milieu entre la charité et la cupidité soumise. Du reste, je ne vois point qu'on allègue aucune erreur de cet écrit. Cela vaut-il la peine de manquer de parole, et de blesser jusqu'au fond du cœur M. l'archevêque de Rouen? Toute la difficulté de la cupidité soumise est

C'est la 13o des Lettres spirituelles, t. 1, p. 447.

levée par mes Réponses aux quatre Questions de M. de Meaux, où cette cupidité est définie un amour naturel et libre de nous-mêmes, qui n'entre point dans les actes surnaturels, etc. Je vous conjure donc, mon cher abbé, de commencer par envoyer l'écrit à M. l'archevêque de Rouen. Puis vous en direz, s'il vous plaît, les raisons ci-dessus marquées à M. l'abbé de Maulevrier. Pour les copies qui vous restent, je | vous supplie de les garder: nous en avons de reste; il n'en faut pas davantage; envoyez-m'en quelqu'une. Il sera bon de retirer celles que M. l'abbé de Maulevrier voudra, pour le contenter. Il faudra envoyer mes Questions et mes Réponses à M. de Meaux avec l'Éclaircissement.

Tant que M. de Toul ne sera point dans une persuasion ferme, ni lui ni moi ne devons désirer qu'il soit d'une assemblée. Il ne pourrait tout au plus que se taire, et son silence me ferait grand tort. Pour M. le Merre, il serait ridicule d'aller mettre un laïque avocat dans une assemblée d'évêques et de théologiens.

Ayez la bonté de faire courtement aux marges l'extrait de M. Pirot, et de conférer avec M. de Précelles chez le père de Valois ou chez M. Tronson. Vous verrez, par l'écrit de M. de Précelles, qu'il me donne plus qu'il ne me faut; mais il n'est pas au fait, et le père de Valois ne l'y a pas mis. Je n'ai point de nouvelles de M. de Chartres. Bonjour, mon cher abbé. Je suis en peine de votre santé. Ne parlez plus à M. de Toul; il vous tuerait.

Je viens de recevoir les remarques de M. de Chartres, plus outrées que jamais. Voyez au plus tôt M. de Précelles, et revenez nous voir. Je voudrais que M. l'abbé de Maulevrier fût parti.

77. — AU MÊME.

Il lui donne diverses instructions sur l'affaire présente.

A Versailles, jeudi au soir II juillet (1697). Je me sens, mon cher abbé, dans une disposition de fièvre qui m'empêchera ces jours-ci d'aller à Paris. Ayez la bonté de payer pour moi. Je voudrais bien que vous pussiez, après avoir conféré avec M. de Précelles, avoir une conversation avec M. Pirot, pour lui faire sentir que son écrit, loin de combattre mon livre, en établit tout le véritable système. Je voudrais bien aussi que vous pussiez revoir bientôt M. de Beaufort à l'archevêché, ou plutôt dans quelque rendez-vous pris ailleurs, pour lui faire entendre que si M. l'archevêque de Paris a des difficultés, ou sur la doctrine de mon Éclaircissement, ou sur la conformité de mon livre avec l'Éclaircissement, je lui donnerai en détail toutes les preuves qu'il peut

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désirer. Ajoutez, s'il vous plaît, qu'une demi-justification, dans un accommodement équivoque, achèverait de me déshonorer sans ressource, et que s'il lâchait la main après tout ce qu'il a fait pour moi, il me ferait par là, sans le vouloir, plus de mal que tous ceux qui m'ont poussé à l'extrémité. Voilà ce qu'il est capital de faire entendre à M. de Beaufort. Il faut aussi tenir M. Tronson dans cette vue. Pour M. Pirot, il suffit de lui montrer combien il m'a mal entendu, et combien il a prouvé ce qu'il voulait réfuter. A mesure que les gens ont lu suffisamment l'Éclaircissement, il faut le retirer des mains de chacun d'eux. Il y a un bon Père carme déchaussé, nommé le père Germain, qui entre assez, dit-on, dans le système, et qu'il serait bon de voir et d'instruire par l'Éclaircissement, avec les Demandes et les Réponses. Je suppose que vous n'avez pas oublié M. l'archevêque de Rouen, qui serait très-fâché contre moi.

J'oubliais de vous dire qu'il faut représenter à M. de Beaufort que j'ai deux intérêts essentiels de ne traîner pas plus longtemps. Le premier est pour ne laisser pas tourner en habitude incurable la prévention qu'on a répandue dans le public contre moi. On est mal édifié de ma patience, et on croit que si je ne sentais pas mes égarements qui me rendent timide, je ne souffrirais pas si longtemps l'opprobre dont on me couvre. L'autre intérêt est de ne laisser plus de temps à ceux qui me poussent, de prévenir Rome par les puissantes intrigues qu'ils y ont, pendant que je n'ose y écrire pour me justifier. Répétez-lui fréquemment que je ne puis jamais ni rétracter mon livre, ni l'abandonner, ni rien dire ou écrire d'équivoque sur la défense de mon livre. Il n'a ni ne peut avoir que le sens catholique. Je l'expliquerai de manière à contenter M. de Paris; mais je le défendrai toujours.

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A Versailles, samedi 13 juillet 1697. Voyez au plus tôt, je vous en conjure, mon cher abbé, M. Pirot, pour lui faire entendre qu'il a approuvémon livre en le voulant réfuter, et que je suis trop content de ses raisonnements sur le droit, pour ne lui pardonner pas de bon cœur des erreurs sur le fait, qui ne viennent d'aucun défaut d'amitié ni de zèle pour mes intérêts. Vous pourrez même lui lire ceci. Je voudrais que votre conversation avec lui précédât de quelques jours celle que je dois avoir avec M. l'archevêque de Paris. M. l'abbé de Maulevrier fera votre entrevue. Voyez aussi, je vous sup

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plie, M. de Beaufort, pour savoir le lieu et le temps précis de notre conférence. Vous pouvez lui inculquer les choses marquées dans mes lettres précédentes.

M. le Merre peut préparer M. l'archevêque de Paris et M. Boileau; mais M. le Merre ne doit pas être de la conférence.

| M. l'archevêque de Paris m'avait données. Il est trèspressé de le lui donner, parce que je lui avais promis qu'il l'aurait đès hier soir. Si vous pouviez le faire lire au père de Valois et à M. le Merre auparavant, j'en serais ravi; mais il faut que M. l'archevêque reçoive cet écrit aujourd'hui de très-bonne heure, et lui faire dire que je serai demain dimanche à

Il faut éviter d'y mettre M. l'évêque de Toul; cela l'archevêché vers les dix heures du matin. Il faut rendrait l'assemblée trop publique.

lui faire dire aussi que mon indisposition a retardé ce petit écrit, que j'avais besoin de revoir, et de faire examiner par deux ou trois amis qui auraient été peinés sans cela. J'ai bien envie de n'aller à Paris que demain. J'y arriverai à neuf heures, et ce sera comme si j'y avais couché. Le sommeil et moi nous sommes mal réconciliés. Il faut que M. Deschamps pré

Suivant que M. de Paris règlera notre entrevue, j'irai plus tôt ou plus tard à Paris. Je vous envoie ma lettre pour lui en cachet volant, afin que vous puissiez la voir, et puis la fermer. Il me tarde de vous embrasser. Envoyez au plus tôt, s'il vous plaît, une copie latine de mon Bref à M. de Condom, et répandez-en le moins que vous pourrez. M. l'arche-pare tout en secret pour le voyage de Rome 1. vêque de Rouen a-t-il reçu l'Eclaircissement avec les Demandes, etc.?

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Avez-vous vu M. Pirot, mon cher abbé? N'avezvous point parcouru avec lui mes principales hérésies? peut-on le redresser? Avez-vous parlé ferme à M. de Beaufort? M. de Chartres est-il encore à Paris? M. Tronson ne dit-il rien de nouveau? Je vous conjure de faire en sorte que Deschamps prépare sourdement nos petites affaires pour le voyage de Rome, en cas qu'on me permette d'y aller. Je n'y veux que le nécessaire très-modeste : c'est ce qui convient à ma profession et à ma situation présente. Je suis dans une agitation de sang qui est un commencement de fièvre, et qui m'ôte le sommeil. Le quinquina m'échauffe trop. Rien ne me serait bon que le repos; mais Dieu me l'ôte. Priez pour moi; et aimez-moi toujours en celui qui doit être notre unique amour. Si ma santé le permet, comme je l'espère, j'irai à Paris mercredi. Je voudrais bien que que M. Deschamps pût loger près de nous M. l'abbé de Langeron, en cas, qu'il vienne à Paris.

80. A L'ABBÉ DE CHANTERAC.

H lui envoie un Mémoire pour répondre aux difficultés proposées par l'archevêque de Paris.

A Versailles, samedi 20 juillet (1697). Je vous envoie, mon cher abbé, le petit Mémoire qui répond courtement à toutes les remarques que

Louis-Milon, sacré en 1694, mort en 1734. Le bref dont parle Fénelon est celui du 11 juin.

Le petit Mémoire est si court, que je suppose que le père de Valois et M. le Merre l'auraient bientôt lu. Dominus illuminatio mea, et salus mea; quem timebo?

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Il tâche de montrer qu'on doit être content de ses explications, et qu'il ne peut consentir à rien qui sente la rétractation.

A Versailles, lundi 22 juillet (1697).

Je prends la liberté, monseigneur, de vous importuner encore, pour vous rappeler le souvenir des choses que j'eus l'honneur de vous dire hier. 1o Il n'est pas permis de me proposer une rétractation directe, sans avoir discuté avec moi à fond des propositions extraites de mon livre, qui soient hérétiques ou erronées, et sans correctif dans le livre même. C'est ce qu'on ne peut faire. Si on le faisait, je me rétracterais d'abord, et je publierais de bonne foi les motifs de ma rétractation.

2o Il est encore moins permis de m'engager peu à peu, par des termes douteux, dans une rétractation indirecte; elle serait scandaleuse, en ce qu'elle ferait voir que je n'aurais ni la bonne foi de confesser mon erreur, ni le courage de soutenir la vérité, si je crois mon livre bon. Loin de me justifier dans

1 On voit, par cette lettre, que Fénelon ne se faisait pas illusion. Il devait savoir ce qu'on pensait à la cour où il vivait. Madame de Maintenon écrivait, le 13 juillet, à M. de Noailles : « Si l'on ne veut pas tolérer le livre, je crois qu'il faut « finir la négociation. Quant au retour de M. de Cambrai, il n'y « a que Dieu qui puisse le faire, et je suis persuadée que vous « ne le croyez pas aussi imbu de ces maximes-là qu'il l'est en « effet. Son cœur en est rempli, et il croit soutenir la religion << en esprit et en vérité. S'il n'était pas trompé, il pourrait « revenir par des raisons d'intérêt. Je le crois prévenu de « bonne foi. Il n'y a donc plus d'espérance. »

le public, je me déshonorerais sans ressource: on me regardérait à jamais comme un homme qui ne se rétracte qu'à demi, et à la dernière extrémité. Si je voulais faire un tel abandon de mon livre, on devrait, pour l'honneur de l'Église, m'en empêcher. Pour une explication, je l'ai toujours offerte. Elle assure la vérité, et condamne l'erreur aussi fortement qu'une rétractation. Supposé même que mon livre contînt les erreurs qu'on ne peut y trouver, mes confrères devraient en honneur et en conscience, favoriser et faciliter mon explication. Que dira-t-on d'eux dans toute l'Église, quand il faudra qu'il paraisse qu'ils ont craint mon explication, et qu'ils n'ont fait tant de bruit que pour l'empêcher?

Il ne peut plus s'agir de la religion, dès que j'offre de faire une explication qui lèvera les équivoques des esprits les plus ombrageux. Doit-on écouter ceux qui retardent la paix et la fin du scandale, que j'offre à des conditions que l'Église ne refuse à personne? Faut-il me flétrir et me déshonorer dans les Pays-Bas, pour contenter M. de Meaux?

On me fait entendre qu'on pourrait se contenter, si j'avouais que mon livre a mal expliqué une bonne doctrine, et que je prie le lecteur de ne s'attacher point à la première édition, mais de suivre la seconde. Pourquoi me demander ces termes? Si les explications que je ferai sont d'une doctrine saine, mes explications lèveront toutes les équivoques qu'on craint; la religion sera en sûreté; il paraîtra même assez que j'ai reconnu que mon livre, qui est court, n'a pas assez démêlé, à la plupart des lecteurs, des matières très-subtiles et très-délicates. Pourquoi vouloir me faire ajouter ce qui ne sert en rien à la religion, et qui ferait entendre à tout le monde que je me rétracte indirectement, n'ayant pas la bonne foi de le faire en termes formels? Faut-il pour le point d'honneur de M. de Meaux, rendre ainsi ma bonne foi suspecte à toute l'Église? N'est-ce pas augmenter le scandale, au lieu de le lever? Ma délicatesse là-dessus n'est pas une vanité; tout le monde a les yeux ouverts sur moi; après l'éclat qu'on a fait dans toute l'Église. Que je me sois trompé, on ne m'en estimera pas moins, pourvu que je sois humble et sincère; mais que j'admette des termes équivoques pour me sauver, tous les honnêtes gens déclarent qu'ils ne pourraient plus compter sur ma foi. Fautil, par des termes qui sentent une rétractation indirecte, vouloir me flétrir ainsi, et ne se contenter pas que la doctrine soit en sûreté ? J'aime cent fois mieux acquiescer ingénument à la condamnation la plus rigoureuse de mon livre, que d'admettre jamais de ces tempéraments spécieux qui disent trop ou trop peu pour ma véritable justification. Que dira l'Église

entière, si on sait qu'on me pousse à bout, ne se contentant pas que j'explique bien mon livre, parce qu'on veut me faire avouer, sans preuve discutée avec moi, et contre ma conscience que les expressions de mon livre sont mauvaises? Mes confrères, loin de vouloir m'arracher des termes équivoques, devraient au contraire, dans toutes les règles de la conscience, m'empêcher d'admettre aucun terme désavantageux pour moi, dès que le fond de la doctrine serait mis à couvert.

L'explication de mon livre, qui consisterait dans des additions pour une édition nouvelle, serait bientôt prête. Vous l'examineriez, monseigneur, et vous la feriez examiner par les docteurs les plus célèbres, suivant notre premier projet, que l'on a traversé sans cesse par des difficultés incidentes, et par le retardement des remarques de M. de Meaux, que je reçus seulement avant-hier, au bout de six mois. Mais j'avoue que je ne puis plus supporter mon état. Je demande, ou qu'on me laisse tranquillement régler mes additions avec vous, monseigneur, et avec les plus célèbres docteurs, que je ne séduirai pas, ou qu'on fasse juger mon livre à Rome; et en cas qu'on l'y condamne, je le condamnerai moi-même à Cambrai. Tout retardement, loin de me soulager, m'accable et me fait mourir.

N'auriez-vous point, monseigneur, la bonté de lire au roi ce Mémoire, pour vous délivrer du soin d'en rappeler tous les articles quand vous serez auprès de Sa Majesté? Je ne m'abstiens d'avoir l'honneur de lui en parler moi-même, que pour éviter de l'importuner. Je suis plus obligé à sa bonté de ce qu'il me souffre si patiemment, après tout ce qu'on lui a dit contre moi, que je ne le suis des grâces extraordinaires dont il m'a comblé. S'il ne s'agissait que de mon honneur personnel, je trouverais beaucoup de gloire à avouer que je me suis trompé, et j'irais de tout mon cœur demander pardon à M. de Meaux, pour finir les importunités dont nous fatiguons le roi. Mais je ne puis avouer des erreurs que je n'ai jamais ni crues ni enseignées : ce serait trahir ma conscience, et déshonorer mon ministère.

Ne puis-je point espérer, monseigneur, que vous voudrez bien lire aussi ce Mémoire à madame de Maintenon? J'ai cru, depuis plusieurs mois, devoir m'abstenir, par respect, de l'affliger en la faisant souvenir de moi. Je donnerais ma vie pour lui épargner le déplaisir que sa bonté lui fait sentir par rapport à mon affaire; mais ma conscience ne me permet pas de lui obéir, et je ne ferais que l'affliger, si je voulais essayer d'effacer les impressions qu'on lui a données contre moi. J'ai plus souffert de me voir

éloigné d'elle, que de tout les opprobres dont on à qui parler. Il ne me reste, madame, qu'à demanm'a couvert injustement.

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der la liberté de partir pour Rome. Je le fais avec un extrême regret; mais on prend soin de faire tout ce qu'il faut pour me jeter malgré moi dans cette extrémité. Je ne puis donc cesser de faire au roi les plus humbles, les plus respectueuses et les plus fortes instances. Je ferai ce voyage avec défiance de moi-même, sans contention, pour me détromper

Puisque vous jugez, madame, qu'il serait inu-si je me trompe, et pour trouver ce que je ne puis tile que vous eussiez la bonté de m'honorer d'une trouver en France : je veux dire quelqu'un avec qui audience, je n'ai garde de vous importuner là- je puisse finir. Il ne s'agit pas seulement de mon dessus. Je m'en abstiens par respect, et je m'adresse livre; il s'agit de moi, qu'il faut détromper à à Dieu, afin qu'il vous fasse entendre ce que je ne fond du livre, s'il est mauvais. Pour le livre même, puis plus espérer de vous représenter. Je vous sup- personne ne peut en défendre la cause que moi seul; plie très-humblement, madame, de croire qu'il n'y je n'ai ni ne saurais trouver personne qui voulût a aucun mot, dans les lettres que j'ai eu l'honneur aller en ma place défendre une cause qu'on a rendue d'écrire au roi et à vous, qui tende à me plaindre si odieuse, et si dangereuse à soutenir. Voudraitde M. l'archevêque de Paris, ni à mettre en doute on rassembler toutes choses contre moi, et m'ôter ses bonnes intentions sur la paix. Je n'ai qu'à me la liberté de me justifier? Si on veut supposer, sans louer de lui sur les peines que je lui ai causées, et preuve, que ma doctrine n'est que nouveauté et sur les services effectifs qu'il a tâché de me rendre qu'erreur, avant que l'autorité légitime l'ait décidé, mais on ne lui a permis de suivre aucun des pro- on suppose ce qui est en question, pour engager le jets qu'il avait arrêtés avec moi pour l'explication zèle du roi à m'accabler. En ce cas, je n'ai qu'à adode mon livre. Toutes les mesures prises entre nous rer Dieu, et à porter ma croix. Mais ceux qui veuont toujours été renversées depuis six mois. Enfin, lent finir ainsi l'affaire par pure autorité prennent il n'a pas été libre de discuter avec moi le détail de le chemin de la commencer, au lieu de la finir. Pour mon livre, et de m'aboucher avec les théologiens moi, madame, j'espère, non de mes forces, mais de qu'il a consultés, avant que de rendre une dernière la grâce de Dieu, que je ne montrerai, quoi qu'on réponse au roi. Après une telle expérience, j'ai cru fasse, que patience et fermeté à l'égard de ceux qui lui devoir demander deux choses: la première est m'attaquent, que docilité et soumission sans réserve un projet par écrit des paroles précises qu'on voupour l'Église, que zèle et attachement pour le roi, drait que je donnasse au public sur mon livre, pour que reconnaissance et respect pour vous jusqu'au examiner si je dois les accepter; la seconde est d'êdernier soupir. tre assuré qu'il ait un plein pouvoir pour finir avec moi, en prenant le conseil des plus habiles docteurs. Il n'est pas juste qu'on tire de moi, par M. l'archevêque de Paris, toutes les paroles qu'on pourra tirer, sans s'engager réciproquement: après avoir fini Il répond à quelques propositions de l'évêque de Chartres. avec lui, je serais à recommencer avec M. de Meaux. M. l'archevêque de Paris n'a pas jugé à propos de me donner par écrit un projet des paroles précises qu'on me demande : il m'a déclaré d'abord de vive voix, et puis par écrit, qu'il n'avait aucun pouvoir pour me répondre d'aucune décision. Loin de me plaindre de lui, je le plains: mais je suis encore plus à plaindre; dans cette situation, je ne sais plus

'Le parti était déjà pris à la cour contre l'archevêque de Cambrai; et, dès le 26 juillet, Louis XIV avait écrit au pape, de sa propre main, une lettre où il le suppliait de prononcer au plus tôt sur le livre de Fénelon, et sur la doctrine qu'il contient, assurant en même temps Sa Sainteté qu'il emploierail toute son autorité pour faire exécuter toutes ses décisions. Voyez cette lettre, et la réponse du pape, dans les Œuvres de Bossuet.

83. A M. (HÉBERT,

CURÉ DE VERsailles).

(Fin de juillet 1697.)

Je vous envoie, monsieur, une lettre que vous pouvez montrer à M. l'évêque de Chartres, si M. de Beauvilliers et M. Tronson le jugent à propos. Je ne suis en peine que de sa fermeté à demeurer dans un même projet. Je l'ai vu si souvent changer, que je ne peux plus m'arrêter à ses propositions. Il n'a tenu qu'à lui, depuis six mois, que nous ne fissions dès le premier jour, sans scandale, ce qu'il propose maintenant; et après l'avoir souvent proposé, il l'a rejeté toutes les fois qu'il a été question de conclure. On ne fait que me tâter pour m'entraîner peu à peu, et pour m'engager vers les autres, sans engager jamais les autres vers moi. D'ailleurs, je ne

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