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amis de la patrie, monstres qui cherchez à me ravir l'estime de la Convention nationale, le prix le plus glorieux des travaux d'un mortel, que je n'ai ni usurpé ni surpris, mais que j'ai été forcé de conquérir! Paraître un objet de terreur aux yeux de ce qu'on révère et de ce qu'on aime, c'est pour un homme sensible et probe le plus affreux des supplices! le lui faire subir, c'est le plus grand des forfaits! Mais j'appelle toute votre indignation sur les manœuvres atroces employées pour étayer ces extravagantes calomnies.

>> Partout les actes d'oppression avaient été multipliés pour étendre le système de terreur et de calomnie des agens impurs prodiguaient les arrestations injustes; des projets de finance destructeurs menaçaient toutes les fortunes modiques, et portaient le désespoir dans une multitude innombrable de familles attachées à la révolution; on épouvantait les nobles et les prêtres par des motions concertées; les paiemens des créanciers de l'État et des fonctionnaires publics étaient suspendus; on surprenait au comité de salut public un arrêté qui renouvelait les poursuites contre les membres de la commune du 10 août, sous le prétexte d'une reddition des comptes. Au sein de la Convention on prétendait que la montagne était menacée, parce que quelques membres siégeant en cette partie de la salle se croyaient en danger, et pour intéresser à la même cause la Convention nationale tout entière on réveillait subitement l'affaire des soixante-treize députés détenus, et l'on m'imputait tous ces événemens, qui m'étaient absolument étrangers; on disait que je voulais immoler la montagne ; on disait que je voulais perdre l'autre portion de la Convention nationale; on me peignait icr comme le persécuteur des soixante-deux députés détenus; là on m'accusait de les défendre; on disait que je soutenais le marais.... C'était l'expression de mes calomniateurs. Il est à remarquer que le plus puissant argument qu'ait employé la faction hébertiste pour prouver que j'étais modéré était l'opposition que j'avais apportée à la proscription d'une grande partie de la Convention nationale, et particulièrement mon opinion sur la proposition de décréter d'accusation les soixante-deux détenus sans un rapport préalable.

» Ah! certes, lorsqu'au risque de blesser l'opinion publique, ne consultant que les intérêts sacrés de la patrie, j'arrachais seul à une décision précipitée ceux dont les opinions m'auraient conduit à l'échafaud si elles avaient triomphé; quand dans d'autres occasions je m'exposais à toutes les fureurs d'une faction hypocrite pour réclamer les principes de la stricte équité envers ceux qui m'avaient jugé avec plus de précipitation, j'étais loin sans doute de penser que l'on dût me tenir compte d'une pareille conduite ; j'aurais trop mal présumé d'un pays où elle aurait été remarquée, et où l'on aurait donné des noms pompeux aux devoirs les plus indispensables de la probité mais j'étais encore plus loin de penser qu'un jour on m'accuserait d'être le bourreau de ceux envers qui je les ai remplis, et l'ennemi de la représentation nationale, que j'avais servie avec dévouement; je m'attendais bien moins encore qu'on m'accuserait à la fois de vouloir la défendre et de vouloir l'égorger! Quoi qu'il en soit, rien ne pourra jamais changer ni mes sentimens ni mes principes! A l'égard des députés détenus je déclare que, loin d'avoir eu aucune part au dernier décret qui les concerne, je l'ai trouvé au moins très extraordinaire dans les circonstances; que je ne me suis occupé d'eux en aucune manière depuis le moment où j'ai fait envers eux tout ce que ma conscience m'a dicté. A l'égard des autres je me suis expliqué sur quelques-uns avec franchise ; j'ai cru remplir mon devoir. Le reste est un tissu d'impostures atroces. Quant à la Convention nationale, mon premier devoir, comme mon premier penchant, est un respect sans bornes pour elle. Sans vouloir absoudre le crime, sans vouloir justifier en ellesmêmes les erreurs funestes de plusieurs, sans vouloir ternir la gloire des défenseurs énergiques de la liberté, ni affaiblir l'illusion d'un nom sacré dans les annales de la révolution, je dis que tous les représentans du peuple dont le cœur est pur doivent reprendre la confiance et la dignité qui leur convient. Je ne connais que deux partis, celui des bons et celui des mauvais citoyens; que le patriotisme n'est point une affaire du parti, mais une affaire de cœur ; qu'il ne consiste ni dans l'insolence ni dans une fougue passagère qui ne respecte ni les principes, ni le bon sens, ni la morale; encore moins dans le dévouement

aux intérêts d'une faction. Le cœur flétri par l'expérience de tant de trahisons, je crois à la nécessité d'appeler surtout la probité et tous les sentimens généreux au secours de la République. Je sens que partout où l'on rencontre un homme de bien, en quelque lieu qu'il soit assis, il faut lui tendre la main, et le serrer contre son cœur. Je crois à des circonstances fatales dans la révolution, qui n'ont rien de commun avec les desseins criminels; je crois à la détestable influence de l'intrigue, et surtout à la puissance sinistre de la calomnie. Je vois le monde peuplé de dupes et de fripons; mais le nombre des fripons est le plus petit: ce sont eux qu'il faut punir des crimes et des malheurs du monde. Je n'imputerai donc point les forfaits de Brissot et de la Gironde aux hommes de bonne foi, qu'ils ont trompés quelquefois; (1) je n'imputerai point à

(1) Lignes raturées :

<< Je les imputerai à ces personnages dangereux, et même à d'autres fripons qui, en combattant quelquefois contre eux avec les ennemis de la liberté, rendaient quelquefois la bonne cause douteuse aux yeux des hommes moins placés dans un point de vue avantageux pour la discerner. >> - Les tirades suivantes, jusqu'à ces mots inclusivement : la corruption qu'ils avaient établie, sont extraites d'un livret de Robespierre écrit au crayon, et qui n'ont pas été lues à la tribune ; nous avons cru devoir les adapter à cet endroit de lignes raturées :

« J'en accuse la faiblesse humaine, et ce fatal ascendant de l'intrigue contre la vérité lorsqu'elle plaide contre elle dans les ténèbres et au tribunal de l'amour-propre ; j'en accuse des hommes pervers que je démasquerai; j'en accuse une horde de fripons qui ont usurpé une confiance funeste sous le nom de commis du comité de sûreté générale. Les commis de sûreté générale sont une puissance, et une puissance supérieure par ses funestes influences au comité même. Je les ai dénoncés depuis longtemps au comité de salut public et à celui qui les emploie, qui est convenu du mal sans oser y appliquer le remède : je les dénonce aujourd'hui à la Convention ces funestes artisans de discorde, qui trahissent à la fois le comité qui les emploie et la patrie, qui déshonorent la révolution, compromettent la gloire de la Convention nationale, protecteurs impudens du crime et oppresseurs hypocrites de la vertu! C'est en vain qu'on voudrait environner des fripons d'un prestige religieux; je ne partage pas cette superstition, et je veux briser les ressorts d'une surveillance corrompue qui va contre son but, pour la rattacher à des principes purs et salutaires. J'ai un double titre pour

tous ceux qui crurent à Danton les crimes de ce conspirateur ; je n'imputerai point ceux d'Hébert aux citoyens dont le patriotisme sincère fut entraîné quelquefois au delà des exactes limites de la raison. Les conspirateurs ne seraient point des

oser remplir ce devoir puisqu'il faut aujourd'hui de l'audace pour attaquer des scélérats subalternes, l'intérêt de la patrie et mon propre honneur. Ce sont ces hommes qui réalisent cet affreux système de calomnier et de poursuivre tous les patriotes suspects de probité, en même temps qu'ils protégent leurs pareils, et qu'ils justifient leurs crimes par ce mot, qui est le cri de ralliement de tous les ennemis de la patrie: c'est Robespierre qui l'a ordonné. C'était aussi le langage de tous les complices d'Hébert, dont je demande en vain la punition. Et qu'importe, comme on l'a dit, qu'ils aient quelquefois dénoncé et arrêté des aristocrates prononcés, s'ils vendent aux autres l'impunité, et s'ils se font de ces services faciles un titre pour trahir et pour opprimer? Que m'importe qu'ils poursuivent l'aristocratie, s'ils assassinent le patriotisme et la vertu, afin qu'il ne reste plus sur la terre que des fripons et leurs protecteurs? Que dis-je! les fripons ne sont-ils pas une espèce d'aristocratie? Tout aristocrate est corrompu, et tout homme corrompu est aristocrate. Mais cherchez sous ce masque de patriotisme; vous y trouverez des nobles, des émigrés, peut-être des hommes qui, après avoir professé ouvertement le royalisme pendant plusieurs années, se sont fait attacher au comité de sûreté générale, comme jadis les prostituées à l'Opéra, pour exercer leur métier impunément, et se venger patriotiquement sur les patriotes de la puissance et des succès de la République.

» Amar et Jagot, s'étant emparé de la police, ont plus d'influenec seuls que tous les membres du comité de sûreté générale; leur puissance s'appuie encore sur cette armée de commis dont ils sont les patrons et les généraux; ce sont eux qui sont les principaux artisans du système de division et de calomnie. Il existe une correspondance d'intrigues entre eux et certains membres du comité de salut publie, et les autres ennemis du gouvernement républicain ou de la morale publique, car c'est la même chose ; aussi ceux qui nous font la guerre sont-ils les apôtres de l'athéisme et de l'immoralité. Une circonstance remarquable et décisive, c'est que les persécutions ont été renouvelées avec une nouvelle chaleur après la célébration de la fête à l'Être suprême.

» Nos ennemis ont senti la nécessité de réparer cette défaite décisive à force de crimes, et de ressusciter à quelque prix que ee fût la corruption qu'ils avaient établic. »

conspirateurs s'ils n'avaient l'art de dissimuler assez habilement pour usurper pendant quelque temps la confiance des gens de bien; mais il est des signes certains auxquels on peut discerner les dupes des complices, et l'erreur du crime. Qui fera donc cette distinction? Le bon sens et la justice. Ah! combien le bon sens et la justice sont nécessaires dans les affaires humaines! Les hommes pervers nous appellent des hommes de sang, parce que nous avons fait la guerre aux oppresseurs du monde : nous serions donc humains si nous étions réunis à leur ligue sacrilége pour égorger le peuple et pour perdre la patrie!

» Au reste, s'il est des conspirateurs privilégiés, s'il est des ennemis inviolables de la République, je consens à m'imposer sur leur compte un éternel silence. J'ai rempli ma tâche; (1) (je ne me charge point de remplir les devoirs d'autrui; un soin plus pressant m'agite en ce moment): il s'agit de sauver la morale publique et les principes conservateurs de la liberté; il s'agit d'arracher à l'oppression tous les amis généreux de la patrie.

» Ce sont eux qu'on accuse d'attenter à la représentation nationale! Et où donc chercheraient-ils un autre appui? Après avoir combattu tous vos ennemis, après s'être dévoués à la fureur de toutes les factions pour défendre et votre existence et votre dignité, où chercheraient-ils un asile s'ils ne le trouvaient pas dans votre sein?

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Ils aspirent, dit-on, au pouvoir suprême; ils l'exercent déjà........ La Convention nationale n'existe donc pas ! Le peuple français est donc anéanti! Stupides calomniateurs! vous êtesvous aperçu que vos ridicules déclamations ne sont pas une injure faite à un individu, mais à une nation invincible, qui dompte et qui punit les rois ? Pour moi j'aurais une répugnance extrême à me défendre personnellement devant vous contre la plus l'âche de toutes les tyrannies, si vous n'étiez pas convaincus que vous êtes les véritables objets des attaques de tous les ennemis de la République. Eh! que suis-je pour leurs persécutions, si elles n'entraient dans le système général

mériter

(1) Les mots en parenthèses ont déjà été lus, et se trouvent répétés

en ces deux endroits dans le manuscrit. **

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