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la liberté était également perdue; car par sa réaction il eût blessé à mort la République, et par sa patience il s'en serait rendu indigne. Aussi, de tous les prodiges de notre révolution, celui que la postérité concevra le moins c'est que nous ayons pu échapper à ce danger. Grâces immortelles vous soient rendues! Vous avez sauvé la patrie; votre décret du... (18 floréal) est lui seul une révolution; vous avez frappé du même coup l'athéisme et le despotisme sacerdotal; vous avez avancé d'un demi-siècle l'heure fatale des tyrans ; vous avez rattaché à la cause de la révolution tous les cœurs purs et généreux; vous l'avez montrée au monde dans tout l'éclat de sa beauté céleste. O jour à jamais fortuné, où le peuple français tout entier s'éleva pour rendre à l'auteur de la nature le seul hommage digne de lui! Quel touchant assemblage de tous les objets qui peuvent enchanter les regards et le cœur des hommes! O vieillesse honorée! ô généreuse ardeur des enfans de la patrie! ô joie naïve et pure des jeunes citoyens! ô larmes délicieuses des mères attendries! ô charme divin de l'innocence et de la beauté! ô majesté d'un grand peuple heureux par le seul sentiment de sa force, de sa gloire et de sa vertu! Être des êtres! le jour où l'univers sortit de tes mains toutes puissantes brilla-t-il d'une lumière plus. agréable à tes yeux que ce jour où, brisant le joug du crime. et de l'erreur, il parut devant toi digne de tes regards et de ses destinées?

» Ce jour avait laissé sur la France une impression profonde de calme, de bonheur, de sagesse et de bonté. A la vue de cette réunion sublime du premier peuple du monde, qui aurait cru que le crime existait encore sur la terre? (1) Mais quand

(1) Lignes raturées :

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Quel homme n'a pas été pénétré du charme touchant qu'il portait dans tous les cœurs? Quel est le représentant du peuple qui dans ce moment n'a pas cru recueillir la plus douce récompense de son dévouement à la patrie? Quiconque aurait vu ce spectacle avec des yeux secs ou avec une âme indifférente est un monstre. Le silence du sentiment imprimait plus éloquemment que les discours les émotions douces et profondes dont tous les coeurs étaient remplis, et ce cri échappait de tous les cœurs, que quieonque avait vu ce grand spectacle pouvait quitter la vie sans regret.

XIV.

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le peuple, en présence duquel tous les vices privés disparais sent, est rentré dans ses foyers domestiques, les intrigans reparaissent, et le rôle des charlatans recommence. C'est depuis cette époque qu'on les a vus s'agiter avec une nouvelle audace, et chercher à punir tous ceux qui avaient déconcerté le plus dangereux de tous les complots. Croirait-on qu'au sein de l'allégresse publique des hommes aient répondu par des signes de fureur aux touchantes acclamations du peuple ?, Croira-t-on que le président de la Convention nationale, parlant au peuple assemblé, fut insulté par eux, et que ces, hommes étaient des représentans du peuple? Ce seul trait explique tout ce qui s'est passé depuis (1). La première tentative que firent les malveillans fut de chercher à avilir les grands principes que vous aviez proclamés, et à effacer le souvenir touchant de la fête nationale: tel fut le but du caractère et de la solennité qu'on donna à ce qu'on appelait l'affaire de Catherine Théos (a). La malveillance a bien su tirer parti de la conspiration politique cachée sous le nom de quelques dévotes

(1) Lignes raturées :

« A considérer la nature de leur colère, les moyens et l'objet de la ligue, on eût cru voir les pygmées renouveler la conspiration des Titans. C'est depuis cette époque que les manœuvres dont j'ai parlé se sont développées. Si le trait dont j'ai à parler n'était pas propre à répandre la plus vive lumière sur les vues de la coalition, je me garderais bien de rappeler certains faits scandaleux arrivés au sein même de la fête de l'Etre suprême, car un sentiment impérieux de pndeur ne me permettrait pas d'avouer que des représentans du peuple ont répondu par les cris de la fureur aux touchantes acclamations du peuple; que le président de la Convention nationale, parlant au peuple, fut insulté par des injures grossières et les grossiers sarcasmes de quelques autres, et les courses de ceux qui, cherchant des crimes à celui qu'ils voulaient perdre dans les signes de l'allégresse publique, allaient répandre le poison de la terreur et les soupçons en disant: voyezvous comme on l'applaudit!

» On n'oublia rien pour effacer les impressions salutaires qu'avait produites la fête de l'Être suprême. La première tentative fut le rapport de Vadier, rapport où une conspiration politique, profonde, a été déguisée sous le récit d'une farce mystique et sous des plaisanteries assez déplacées. >>

(a) Voyez plus loin, page 310, à la note.

imbéciles, et on ne présenta à l'attention publique qu'une farce mystique et un sujet inépuisable de sarcasmes indécens ou puériles. Les véritables conjurés échappèrent, et on faisait retentir Paris et toute la France du nom de la mère de Dieu. Au même instant on vit éclore une multitude de pamphlets dégoûtans, dignes du père Duchesne, dont le but était d'avilir la Convention nationale, le tribunal révolutionnaire ; de renouveler les querelles religieuses, d'ouvrir une persécution aussi atroce qu'impolitique contre les esprits faibles ou crédules, imbus de quelque ressouvenir superstitieux (1). En effet, une multitude de citoyens paisibles et même de patriotes ont été arrêtés à l'occasion de cette affaire; et les coupables conspirent encore en liberté, car le plan est de les sauver, de tourmenter le peuple et de multiplier les mécontens (2). Que n'a-t-on pas fait pour parvenir à ce but! Prédication ouverte de l'athéisme, violences inopinées contre le culte, exactions commises sous les formes les plus indécentes, persécutions dirigées contre 'le peuple sous prétexte de superstition; système de famine, d'abord par les accaparemeus, ensuite par la guerre suscitée à

(1) Lignes raturées :

« Enfin, de mult plir les chances des assassins en réveillant le fanatisme, tandis que l'on détournait l'attention publique des véritables conspirateurs qui conduisaient eux-mêmes toute cette trame. » (2) Lignes raturées :

« L'affectation insolente avec laquelle l'aristocratie cherchait à précipiter le jugement de ce procès, et à en faire l'objet d'un scandale pëblic ou d'une comédie ridicule,eût suffi seule pour dévoiler ce projet, mais il est encoré prouvé par les faits les plus positifs et les plus multipliés. Cependant l'agent national de la commune, pour avoir fait arrêter, d'après le vœu du comité de salut public, quelques agens de ca ́s manœuvres, a été réprimandé et menacé par le comité de sûreté générale. Ce dernier comité a encore dénoncé l'accusateur public pour avoir remis les pièces de cette affaire au comité de salut public, qui avait senti la nécessité de l'approfondir avec plus de sagacité.

» Cn a voulu surtout dans ces derniers temps multiplier les mécontens, et toujours les vexations ont été déguisées sous le prét xte du bien public, les persécutions suscitées au peuple sous le prétexte du fanatisme: les apôtres de l'athéisme et de l'immoralité étaient sang doute le plus fécond et le plus sûr moyen de parvenir à ce but. »

tout commerce licite sous prétexte d'accaparement; incarcé ration des patriotes, tout tendait à ce but. Dans le même temps la trésorerie nationale suspendait les paiemens; on réduisait au désespoir par des projets machiavéliques les petits créanciers de l'État; on employait la violence et la ruse pour leur faire souscrire des engagemens funestes à leurs intérêts, au nom de la loi même qui désavoue cette manœuvre. Toute occasion de vexer un citoyen était saisie avec avidité, et toutes vexations étaient déguisées, selon l'usage, sous des prétextes de bien public. On servait l'aristocratie, mais on l'inquiétait, on l'épouvantait à dessein pour grossir le nombre des mécontens, et la pousser à quelque acte de désespoir contre le gouvernement révolutionnaire (1). On publiait qu'Héraut, Danton,

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(1) Lignes raturées :

On incarcérait, on persécutait les patriotes; on- prodiguait les attentats pour en accuser le comité de salut public. Ceux qui déclament contre le gouvernement et ceux qui commettent les excès qu'on lui impute sont les mêmes hommes. La conjuration contre le gouvernement a commencé au moment de sa naissance, et elle continue actuellement avec une nouvelle activité. Les conjurés l'avaient d'abord attaqué collectivement; ils le poursuivent maintenant en détail dans les * membres qui le composent, et ils appellent sur une seule tête cette masse de mécontentement et de haine qu'ils s'efforcent de grossir pour en écraser ensuite tous les autres. Qui peut leur contester qu'il y a de l'habileté dans cette tactique? Ils savent qu'il est plus facile de perdre un homme que de détruire une puissance, et ils croient bien plus à l'empire des petites passions qu'à celui de la raison et des sentimens généreux. On disait il y a peu de jours dans les prisons: il est temps de se montrer; le comité de sûreté générale s'est déclaré contre le comité de salut public. On le disait dans la nuit même où se passa la fameuse séance des deux comités dont j'ai rendu compte, et il fallut des précautions actives et extraordinaires pour maintenir l'ordre. On arrêta peu de jours auparavant des colporteurs de journaux qui criaient à perte d'haleine grande arrestation de Robespierre. On répandait le bruit que Saint-Just était noble, et qu'il voulait sauver les nobles; on répandait en même temps que je voulais les proscrire. Des fripons, apostés au lieu où les conspirateurs expient leurs forfaits, cherchaient à apitoyer le peuple, et disaient : c'est Robespierre qui égorge ces innocens. C'était le cri de ralliement des contre révolutionnaires détenus; c'était celui de tous mes ennemis, qui me renvoyaient les

Hébert étaient des victimes du comité de salut public, et qu'il fallait les venger par la perte de ce comité. On voulait ménager les chefs de la force armée; on persécutait les magistrats de la commune, et on parlait de rappeler Pache aux fonctions de maire. Tandis que des représentans du peuple tenaient hautement ce langage, tandis qu'ils s'efforçaient de persuader à leurs collègues qu'ils ne pouvaient trouver de salut que dans la perte des membres du comité, tandis que des jurés du tribunal révolutionnaire, qui avaient cabalé scandaleusement en faveur des conjurés accusés par la Convention, disaient partout qu'il fallait résister à l'oppression, et qu'il y avait vingt-neuf mille patriotes déterminés à renverser le gouvernement actuel, voici le langage que tenaient les journaux étrangers, qui dans tous les momens de crise ont toujours annoncé fidèlement les complots prêts de s'exécuter au milieu de nous, et dont les auteurs semblent avoir des relations avec les conjurés : il faut une émeute aux criminels; en conséquence ils ont rassemblé à Paris en ce moment, de toutes les parties de là République, les scélérats qui la désolaient au temps de Chaumette et d'Hébert; ceux que vous avez ordonné par votre décret de faire traduire au tribunal révolutionnaire.

>> On rendait odieux le gouvernement révolutionnaire pour préparer sa destruction. Après en avoir accumulé tous les ordres, et en avoir dirigé tout le blâme sur ceux qu'on voulait perdre par un système sourd et universel de calomnie, on devait détruire le tribunal révolutionnaire ou le composer de conjurés; appeler à soi l'aristocratie; présenter à tous les ennemis de la patrie l'impunité, et montrer au peuple ses plus zélés défenseurs comme les auteurs de tous les maux passés.

plaintes de tous les citoyens comme à l'arbitre de toutes les destinées. C'était le moment où l'on attaquait le tribunal révolutionnaire, où l'on m'identifiait avec cette institution et avec tout le gouvernement révolutionnaire; c'était le temps où le comité de sûreté générale prêtait luimême son nom et son appui à toutes ces manœuvres. Des libelles insidieux, de véritables manifestes étaient prêts d'éclore; on devait invoquer la Déclaration des Droits, demander l'exécution actuelle et littérale de la Constitution, la liberté indéfinie de la presse, l'anéantissement du tribunal révolutionnaire et la liberté des détenus, »

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