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jusqu'au massacre du champ de Mars. Alors tu appuyas aux Jacobins la motion de Laclos, qui fut un prétexte funeste et payé par les ennemis du peuple pour déployer le drapeau rouge et essayer la tyrannie. Les patriotes, qui n'étaient pas initiés dans ce complot, avaient combattu inutilement ton opinion sanguinaire. Tu fus nommé rédacteur avec Brissot de la péti tion du champ de Mars, et vous échappâtes à la fureur de Lafayette, qui fit massacrer deux mille patriotes. Brissot erra depuis paisiblement dans Paris, et toi tu fus couler d'heureux jours à Arcis-sur-Aube, si toutefois celui qui conspirait contre sa patrie pouvait être heureux. Le calme de ta retraite à Arcis-sur-Aube se conçoit-il, toi l'un des auteurs de la pétition, tandis que ceux qui l'avaient signée avaient été les uns chargés de fers, les autres massacrés ? Brissot et toi étiez-vous donc des objets de reconnaissance pour la tyrannie, puisque vous n'étiez point pour elle des objets de haine et de terreur?

Que dirai-je de ton lâche et constant abandon de la cause publique au milieu des crises, où tu prenais toujours le parti de la retraite ?

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Mirabeau mort, tu conspiras avec les Lameth, et tu les soutins. Tu restas neutre pendant l'Assemblée législative, et tu te tus dans la lutte pénible des jacobins avec Brissot et la faction de la Gironde. Tu appuyas d'abord leur opinion sur la guerre; pressé ensuite par les reproches des meilleurs citoyens, tu déclaras que tu observais les deux partis, et tu te renfermas dans le silence. Lié avec Brissot au champ de Mars, tu partageas ensuite sa tranquillité et ses opinions liberticides; alors, livré entièrement à ce parti vainqueur, tu dis de ceux qui s'y refusaient que puisqu'ils restaient seuls de leur avis sur la guerre, et puisqu'ils se voulaient perdre, tes amis et toi deviez les abandonner à leur sort. Mais quand tu vis l'orage du 10 août se préparer tu te retiras encore à Arcis-sur-Aube. Déserteur des périls qui entouraient la liberté, les patriotes n'espéraient plus te revoir; cependant, pressé par la honte, par les reproches, et quand tu sus que la chute de la tyrannie était bien préparée et inévitable, tu revins à Paris le 9 août. Tu te couchas dans cette nuit terrible! Ta section, qui t'avait nommé

son président, t'attendit longtemps; on t'arracha d'un repos honteux; tu présidas une heure; tu quittas le fauteuil à minuit, quand le tocsin sonnait; au même instant les satellites du tyran entrèrent, et mirent la baïonnette sur le cœur de celui qui t'avait remplacé toi tu dormais!

» Dans ce moment que faisait Fabre, ton complice et ton ami? Tu l'as dit toi-même, qu'il parlementait avec la cour pour la tromper. Mais la cour pouvait-elle se fier à Fabre sans un gage certain de sa vénalité, et sans des actes très évidens de sa haine pour le parti populaire? Quiconque est l'ami d'un homme qui a parlementé avec la cour est coupable de lâcheté. L'esprit a des erreurs; les erreurs de la conscience sont des crimes.

» Mais qu'as-tu fait depuis pour nous prouver que Fabre, ton complice, et toi, aviez voulu tromper la cour? Votre conduite depuis a été celle de conjurés. Quand tu étais ministre il s'agit d'envoyer un ambassadeur à Londres pour resserrer l'alliance des deux peuples : Noël, journaliste contrerévolutionnaire, fut offert par le ministre Lebrun; tu ne t'y opposas point on te le reprocha comme une faiblesse; tu répondis : je sais que Noël ne vaut rien, mais je le fais accompagner par un de mes parens. Quelle a été la suite de cette ambassade criminelle? La guerre concertée et les trahisons.

» Ce fut toi qui fis nommer Fabre et d'Orléans à l'assemblée électorale, où tu vantas le premier comme un homme très adroit, et où tu dis du second que, prince du sang, sa présence au milieu des représentans du peuple leur donnerait plus d'importance aux yeux de l'Europe. Chabot vota en faveur de Fabre et d'Orléans. Tu enrichis Fabre pendant ton ministère. Fabre professait alors hautement le fédéralisme, et disait qu'on diviserait la France en quatre parties. Roland, partisan de la royauté, voulut passer la Loire pour chercher la Vendée; toi rester à Paris, où était d'Orléans, et où tu favorisais Dumourier. Tu donnas des ordres pour sauver Duport; il s'échappa au milieu d'une émeute concertée à Melun par tes émissaires pour fouiller une voiture d'armes. Mallouet et l'évêque d'Autun étaient souvent chez toi; tu les favorisas. Le parti de Brissot accusa Marat; tu te déclaras son ennemi tu t'isolas de la

montagne dans les dangers qu'elle courait. Tu te fis publiquement un mérite de n'avoir jamais dénoncé Gensonné, Guadet et Brissot; tu leur tendais sans cesse l'olivier, gage de ton alliance avec eux contre le peuple et les républicains sévères. La Gironde te fit une guerre feinte. Pour te forcer à te prononcer elle te demanda des comptes; elle t'accusa d'ambition. Ton bypocrisie prévoyante concilia tout, et sut se maintenir au milieu des partis, toujours prête à dissimuler avec le plus fort, sans insulter au plus faible. Dans les débats orageux on s'indignait de ton absence et de ton silence; toi tu parlais de la campagne, des délices de la solitude et de la paresse : mais tu savais sortir de ton engourdissement pour défendre Dumourier, Westermann, sa créature vantée, et les généraux ses complices. Tu envoyas Fabre en ambassade près de Dumourier, sous prétexte, disais-tu, de le réconcilier avec Kellermann. Les traîtres n'étaient que trop unis pour notre malheur ! Dans toutes leurs lettres à la Convention, dans leurs discours à la barre ils se traitaient d'amis, et tu étais le leur. Le résultat de l'ambassade de Fabre fut le salut de l'armée prussienne, à des conditions secrètes que ta conduite expliqua depuis.

» Dumourier louait Fabre-Fond, frère de Fabre d'Eglantine peut-on douter de votre concert criminel pour renverser la République?

» Tu savais amortir le courroux des patriotes; tu faisais envisager nos malheurs comme résultant de la faiblesse de nos armées, et tu détournais l'attention de la perfidie des généraux pour l'occuper de nouvelles levées d'hommes. Tu t'associas dans tes crimes Lacroix, conspirateur depuis longtemps décrié, avec l'âme impure duquel on ne peut être uni que par le noeud qui associe des conjurés. Lacroix fut de tout temps plus que suspect hypocrite et perfide, il n'a jamais parlé de bonne foi dans cette enceinte; il eut l'audace de louer Miranda; il eut celle de proposer le renouvellement de la Convention; il tint la même conduite que toi avec Dumourier; votre agitation était la même pour cacher les mêmes forfaits Lacroix a témoigné souvent sa haine pour les jacobins. D'où vient le faste qui l'entoure? Mais pourquoi rap

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peler tant d'horreurs lorsque votre complicité manifeste avec d'Orléans et Dumourier dans la Belgique suffit à la justice pour vous frapper?

» Danton, tu eus après le 10 août une conférence avec Dumourier, où vous vous jurâtes une amitié à toute épreuve, et où vous unîtes votre fortune. Tu as justifié depuis cet affreux concordat, et tu es encore son ami au moment où je parle.

» C'est toi qui au retour de la Belgique osas parler des vices et des crimes de Dumourier avec la même admiration qu'on eût parlé des vertus de Caton. Tu t'es efforcé de corrompre la morale publique en te rendant dans plusieurs occasions l'apologiste des hommes corrompus, tes complices. C'est toi qui le premier, dans un cercle de patriotes que tu voulais surprendre, proposas le bannissement de Capet ; proposition que tu n'osas plus soutenir à ton retour, parce qu'elle était abattue, et qu'elle t'eût perdu.

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Dumourier, qui s'était rendu à Paris vers ce même temps dans le dessein d'influencer le jugement du tyran, n'osa point résister lui-même au cri de la justice publique qui envoya le tyran à la mort. Quelle conduite tins-tu dans le comité de défense générale ? Tu y recevais les complimens de Guadet et Brissot, et tu les leur rendais; tu disais à Brissot : vous avez de l'esprit, mais vous avez des prétentions. Voilà ton indignation contre les ennemis de la patrie! Tu consentis à ce qu'on ne fît point part à la Convention de l'indépendance et de la trahison de Dumourier. Tu te trouvais dans des conciliabules avec Wimpfen et d'Orléans. Dans le même temps tu te déclarais pour des principes modérés, et tes formes robustes semblaient déguiser la faiblesse de tes conseils disais que des maximes sévères feraient trop d'ennemis à la République. Conciliateur banal, tous tes exordes à la tribune commençaient comme le tonnerre, et tu finissais par faire transiger la vérité et le mensonge. Quelle proposition vigoureuse as-tu jamais faite contre Brissot et son parti dans la représentation nationale, où je t'accuse? A ton retour de la Belgique tu provoquas la levée en masse des patriotes de Paris pour marcher aux frontières. Si cela fût alors arrivé, qui

; tu

aurait résisté à l'aristocratie, qui avait tenté plusieurs sculevemens? Brissot ne désirait point autre chose, et les patriotes mis en campagne n'auraient-ils pas été sacrifiés? Ainsi se trouvait accompli le vœu de tous les tyrans du monde pour la destruction de Paris et de la liberté.

»Tu provoquas une insurrection dans Paris; elle était concertée avec Dumourier: tu annonças même que s'il fallait de l'argent pour la faire tu avais la main dans les caisses de la Belgique. Dumourier voulait une révolte dans Paris pour avoir un prétexte de marcher contre cette ville de la liberté sous un titre moins défavorable que celui de rebelle et de royaliste. Toi, qui restais à Arcis-sur-Aube avant le 9 août, opposant ta paresse à l'insurrection nécessaire, tu avais retrouvé ta chaleur au mois de mars pour servir Dumourier, et lui fournir un prétexte honorable de marcher sur Paris. Desfieux, reconnu royaliste et du parti de l'étranger, donna le signal de cette fausse insurrection. Le 10 mars un attroupement se porta aux Cordeliers, de là à la commune : on lui demanda de se mettre à sa tête; elle s'y refusa. Fabre alors s'agitait beaucoup : le mouvement, dit-il à un député, a été aussi loin qu'il le fallait. Le but de Dumourier se trouva rempli: il fit de ce mouvement la base de son manifeste séditieux et des lettres insolentes qu'il écrivit à la Convention. Desfieux, tout en déclamant contre Brissot, reçut de Lebrun, complice de Brissot, une somme d'argent pour envoyer dans le midi des adresses véhémentes où la Gironde était improuvée, mais. qui tendaient à justifier la révolte projetée des fédéralistes. Desfieux fit arrêter ses propres courriers à Bordeaux, ce qui donna lieu à Gensonné de dénoncer la montagne, et à Guadet de déclamer contre Paris. Desfieux déposa depuis en faveur de Brissot au tribunal révolutionnaire. Mais, Danton, quelle contradiction entre cette mesure extrême et dangereuse que tu proposas, et la modération qui te fit demander une amnistie pour tous les coupables, qui te fit excuser Dumourier, et te fit, dans le comité de sûreté générale, appuyer la proposition faite par Guadet d'envoyer Gensonné vers le général traître? Pourrais-tu être aveugle à ce point sur l'intérêt public? Oserait-on te reprocher de manquer de discernement ?

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