Imágenes de páginas
PDF
EPUB
[blocks in formation]

Raifons que tous les efprits ne goûtent pas. Raifons des matérialistes.

NEwton était intimément perfuadé de l'exiften

ce d'un DIEU, & il entendait, par ce mot, nonfeulement un être infini, tout-puiffant, éternel & créateur, mais un maître qui a mis une relation entre lui & fes créatures; car fans cette rélation, la connaiffance d'un DIEU n'eft qu'une idée stérile qui femblerait inviter au crime, par l'efpoir de l'impunité, tout raifonneur né pervers.

Auffi ce grand philofophe fait une remarque fingulière à la fin de fes principes: C'est qu'on ne dit point, mon éternel, mon infini, parce que ces attributs n'ont rien de rélatif à notre nature; mais on dit, & on doit dire, mon DIEU; & par-là il faut entendre le maître & le confervateur de notre vie, l'objet de nos penfées. Je me fouviens

(

que dans plufieurs conférences que j'eus en 1726 avec le docteur Clarke, jamais ce philofophe ne prononçait le nom de DIEU qu'avec un air de recueillement & de refpect très remarquable. Je lui avouai l'impreffion que cela faifait fur moi, & il me dit, que c'était de Newton qu'il avait pris infenfiblement cette coutume, laquelle doit être en effet celle de tous les hommes.

Toute la philofophie de Newton conduit néceffairement à la connaiffance d'un être fuprême, qui a tout créé tout arrangé librement. Car fi le monde eft fini, s'il y a du vuide, la matière n'existe donc pas néceffairement, elle a donc reçu l'existence d'une caufe libre. Si la matière gravite, comme cela eft démontré elle ne parait pas graviter de fa nature, ainfi qu'elle est étendue de fa nature: elle a donc reçu de DIEU la gravitation. Si les planètes tournent en un fens, plutôt qu'en un autre, dans un efpace non réfiftant, la main de leur créateur a donc dirigé leur cours en ce fens avec une liberté abfoluë.

Il s'en faut bien que les prétendus principes phyfiques de Descartes conduifent ainfi l'esprit à la connaiffance de fon créateur. A DIEU ne plaife que par une calomnie horrible j'accufe ce grand-homme d'avoir méconnu la fuprême intelligence à laquelle il devait tant, & qui l'avait élevé au-deffus de prefque tous les hommes de fon fiécle. Je dis feulement, que l'abus qu'il a fait quelquefois de fon efprit, a conduit fes difciples à des précipices, dont le maître était fort éloigné, je dis, que le fyftême cartéfien a produit celui de Spinofa; je dis, que j'ai connu beaucoup de perfonnes que le cartéfianifme a conduites à n'admettre d'autre DIEU que l'immenfité des chofes, & que je n'ai vu au contraire aucun newtonien qui ne fut théifte dans le fens le plus rigoureux.

Dès qu'on s'eft perfuadé avec Descartes, qu'il eft impoffible que le monde foit fini, que le mouvement est toujours dans la même quantité;

dès qu'on ofe dire, Donnez-moi du mouvement & de la matiere & je vais faire un monde ;. alors, il le faut avouer, ces idées femblent exclurre, par des conféquences trop juftes, l'idée d'un être feul infini feul auteur du mouvement, feul auteur de l'organisation des fub

ftances.

Plufieurs perfonnes s'étonneront ici peut-être, que de toutes les preuves de l'exiftence d'un DIEU, celle des caufes finales fût la plus forte aux yeux de Newton. Le deffein, ou plutôt les deffeins variés à l'infini, qui éclatent dans les plus vaftes & les plus petites parties de l'univers, font une démonftration, qui à force d'être fenfible, en eft prefque méprisée par quelques philofophes; mais enfin, Newton penfait que ces rapports infinis, qu'il appercevait plus qu'un autre, étaient l'ouvrage d'un artifan infiniment habile.

Il ne goûtait pas beaucoup la grande preuve qui fe tire de la fucceffion des êtres. On dit communément, que fi les hommes, les animaux les végétaux, tout ce qui compose le monde, était éternel, on ferait forcé d'admettre une fuite de générations fans caufe. Ces êtres, dit-on n'auraient point d'origine de leur exiftence; ils n'en auraient point d'extérieure, puifqu'ils font fuppofés remonter de génération en génération, fans commencement. Ils n'en auraient point d'intérieure, puifqu'aucun d'eux n'exifterait par foi-même. Ainfi tout ferait effet, &

rien ne ferait cause.

[ocr errors]

Il trouvait que cet argument n'était fondé que fur l'équivoqué de générations & d'êtres formés les uns par les autres; car les athées qui admettent le plein, répondent qu'à proprement parler, il n'y a point de générations; il n'y a point d'êtres produits; il n'y a point plufieurs fubftan-" ces. L'univers eft un tout, exiftant néceffairement, qui fe développe fans ceffe; c'est un même être, dont la nature eft d'être immuable dans fa fubftance, &éternellement varié dans fes mo

[ocr errors]

difications; ainfi l'argument tiré feulement des êtres qui fe fuccédent prouverait peut-être peu contre l'athée qui nierait la pluralité des êtres.

Les athées appelleraient à leur fecours ces anciens axiomes, que rien ne naît de rien, qu'une fubftance n'en peut produire une autre, que tout eft éternel & néceffaire.

La matière eft néceffaire, difent-ils, puifqu'elle exifte; le mouvement eft néceffaire & rien n'eft en repos ; & le mouvement eft fi néceffaire, qu'il ne fe perd jamais de forces motrices dans la nature.

Ce qui eft aujourd'hui était hier, donc il était avant-hier, & ainfi en remontant fans ceffe. Il n'y a perfonne d'affez hardi pour dire que les chofes retourneront à rien, comment peut-on être affez hardi pour dire qu'elles viennent de rien?

Il ne faut pas moins que tout le livre de Clarke pour répondre à ces objections.

[ocr errors]

En un mot je ne fais s'il y a une preuve. métaphyfique plus frappante, & qui parle plus fortement à l'homme, que cet ordre admirable qui règne dans le monde; & fi jamais il y a eu un plus bel argument que ce verfet: Cali enarrant gloriam Dei. Auffi vous voyez, que Newton n'en apporte point d'autre à la fin de fon optique & de fes principes. Il ne trouvait point de raisonnement plus convaincant & plus beau en faveur de la Divinité que celui de Platon, qui fait dire à un de fes interlocuteurs, Vous jugez que j'ai une ame intelligente, parce que vous appercevez de l'ordre dans mes paroles & dans mes actions jugez donc, en voyant l'ordre de ce monde, qu'il y a une ame fouverainement intelligente.

S'il eft prouvé qu'il existe un être éternel infini, tout-puiffant, il n'eft pas prouvé de même que cet être foit infiniment bienfaisant, dans le fens que nous donnons à ce terme.

C'eft là le grand refuge de l'athée: Si j'admets un DIEU, dit-il, ce DIEU, doit être la bonté

même; qui m'a donné l'être, me doit le bienêtre or je ne vois dans le genre humain que défordre & calamité : la néceffité d'une matière éternelle me répugne moins qu'un créateur qui traite fi mal fes creatures. On ne peut fatisfaire, continue-t-il, à mes juftes plaintes & à mes doutes cruels, en me difant, qu'un premier homme compofé d'un corps & d'une ame irrita le créateur, & que le genre-humain en porte la peine; car premiérement, fi nos corps viennent de ce premier homme, nos ames n'en viennent point; & quand même elles en pourraient venir, la punition du père dans tous les enfans paraît la plus horrible de toutes les injuftices. Secondement, il femble évident, que les Américains & les peuples de l'ancien monde, les Nègres & les Lappons, ne font point defcendus du même homme. La conftitution intérieure des organes des Négres en eft une démonftration palpable; nulle raifon ne peut donc appaifer les murmures qui s'élèvent dans mon coeur contre les maux dont ce globe eft inondé. Je fuis donc forcé de rejetter l'idée d'un être fuprême, d'un créateur, que je concevrais infiniment bon, & qui aurait fait des maux infinis; & j'aime mieux admettre la néceffité de la matière, & des générations, & des viciffitudes éternelles, qu'un DIEU, qui aurait fait librement des malheureux.

On répond à cet athée; Le mot de bon, de bien-être, eft équivoque. Ce qui eft mauvais par rapport à vous eft bon dans l'arrangement général. L'idée d'un être infini, tout-puiffant, tout-intelligent & préfent partout, ne révolté point votre raison. Nierez - vous un DIEU parce que vous aurez eu un accès de fiévre ? Il vous devait le bien-être, dites-vous; quelle raifon avez-vous de penfer ainfi? Pourquoi vous devait-il ce bien-être ? Quel traité avait-il avec. vous? Il ne vous manque donc que d'être toûjours heureux dans la vie pour reconnaître un DIEU? Vous, qui ne pouvez être parfait en rien, pourquoi prétendriez-vous être parfaitement heu

reux ?

« AnteriorContinuar »