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ceffairement partout, conftitue par cela feul l'ef pace immenfe & le lieu. De même la durée, la permanence éternelle, eft une fuite indifpenfable de l'existence de DIEU. Il n'eft ni dans la durée infinie, ni dans un tems, mais exiftant éternellement; il conftitue par-là l'éternité & le tems. Voilà comme Newton s'explique mais il n'a point du tout réfolu le problême ; il femble qu'il n'ait ofé convenir que DIEU eft dans l'efpace; il a craint les difputes.

L'efpace immenfe, étendu, inféparable, peut être conçu en plufieurs portions; par exemple l'efpace où eft Saturne n'eft pas l'espace où eft Jupiter; mais on ne peut féparer ces parties con çues on ne peut mettre l'une à la place de l'au tre comme on peut mettre un corps à la place d'un autre. De même la durée infinie, infépara ble & fans parties, peut être conçue en plufieurs portions, fans que jamais on puiffe concevoir une portion de durée mife à la place d'une autre. Les êtres exiftent dans une certaine portion de la du→ rée, qu'on nomme tems, & peuvent exister dans tout autre tems; mais une partie conçue de la du→ rée, un tems quelconque, ne peut être ailleurs qu'où il eft; le paffé ne peut être avenir.

L'efpace & la durée font donc, felon Newton, deux attributs néceflaires, immuables, de l'Etre éternel & immenfe. DIEU feul peut connaître tout l'efpace; DIEU feul peut connaître toute la durée. Nous mefurons quelques parties improprement dites de l'efpace, par le moyen des corps étendus que nous touchons. Nous mefurons des parties improprement dites de la durée, par le moyen des mouvemens que nous appercevons.

On n'entre point ici dans le détail des preuves phyfiques réservées pour d'autres chapitres; il fuffit de remarquer, qu'en tout ce qui regarde l'efpace, la durée, les bornes du monde, Newton fuivait les anciennes opinions de Démocrite d'Epicure, & d'une foule de philofophes, rectifiés par notre célèbre Gaffendi. Newton a dit pluheurs fois à quelques Français qui vivent enco

re, qu'il regardait Gaffendi comme un efprit très jufte & très fage, & qu'il faifait gloire d'être entiérement de fon avis dans toutes les chofes dont on vient de parler.'

CHAPITRE

TROISIE ME.

DE LA LIBERTÉ DANS DIEU, ET DU GRAND PRINCIPE DE LA RAISON SUFFISANTE.

Principes de Leibnitz. Pouffés peut-être trop loin. Ses raisonnemens feduifans. Réponse. Nouvelles inftances contre le principe des indifcernables.

NEwton foutenait que DIEU infiniment libre,

comme infiniment puiffant, a fait beaucoup de chofes, qui n'ont d'autre raison de leur exiftence que fa feule volonté. Par exemple, que les planètes fe meuvent d'occident en orient, plutôt qu'autrement; qu'il y ait un tel nombre d'animaux, d'étoiles, de mondes, plutôt qu'un autre; que l'univers fini, foit dans un tel ou tel point de l'efpace, &c. la volonté de l'Etre fuprême en est la feule raison.

Le célèbre Leibnitz prétendait le contraire, & fe fondait fur un ancien axiome employé autrefois par Archimède; Rien ne fe fait fans caufe ou fans raifon fuffifante, difait-il, & DIEU a fait en tout le meilleur, parce que s'il ne l'avait pas fait comme meilleur, il n'eût pas eu raifon de le faire. Mais il n'y a point de meilleur dans les chofes indifférentes, difaient les newtoniens; mais il n'y a point de chofes indifférentes, répondent les leibnitiens. Votre idée mène à la fatalité abfolue, difait Clarke; vous faites de DIEU un être qui agit par néceffité, & par conféquent un être purement paffif: ce n'eft plus DIEU. Votre DIEU, pondait Leibnitz, eft un ouvrier capricieux, qui fe détermine fans raifon fuffifante. La volonté de

DIEU eft la raifon, répondait l'Anglais. Leibnitz infiftait & faifait des attaques très fortes en cette manière.

Nous ne connaiffons point deux corps entiérement femblables dans la nature, & il ne peut en être; car s'ils étaient femblables, premiérement cela marquerait dans DIEU tout-puiffant & tout fécond, un manque de fécondité & de puiffance. En fecond lieu, il n'y aurait nulle raifon pourquoi l'un ferait à cette place plutôt que l'autre.

Les newtoniens répondaient : Premiérement il eft faux que plufieurs êtres femblables marquent de la ftérilité dans la puiffance du créateur; car fi les élémens des chofes doivent être abfolument femblables pour produire des effets femblables; fi, par exemple, les élémens des rayons éternellement rouges de lumière, doivent être les mêmes pour donner ces rayons rouges; fi les élémens de l'eau doivent être les mêmes pour former l'eau; cette parfaite reffemblance, cette identité loin de déroger à la grandeur de DIEU, m'eft un des plus beaux témoignages de fa puiffance & de fa fageffe.

Si j'ofais ajouter ici quelque chofe aux argumens d'un Clarke & d'un Newton, & prendre la liberté de difputer contre un Leibnitz, je dirais qu'il n'y a qu'un être infiniment puiffant qui puiffe faire des chofes parfaitement femblables. Quelque peine que prenne un homme à faire de tels ouvrages, il ne pourra jamais y parvenir, parce que fa vue ne fera jamais affez fine pour difcerner les inégalités des deux corps; il faut donc. voir jufques dans l'infinie petiteffe pour faire toutes les parties d'un corps femblables à celles d'un autre. C'est donc le partage unique de l'Etre infini.

Secondement, peuvent dire encore les newtoniens, nous combattons Leibnitz par fes propres armes. Si les élémens des chofes font tous différens, fi les premières parties d'un rayon rouge ne font pas entiérement femblables, il n'y a point alors de raifon fuffifante, pourquoi des

parties différentes font toujours un effet invariable.

En troifiéme lieu, pourraient dire les newtoniens, fi vous demandez la raison fuffifante, pourquoi cet atome, A, est dans un lieu, & cet atome, B, entiérement femblable, eft dans un autre lieu? la raison en eft dans le mouvement qui les pouffe ; & fi vous demandez quelle eft la raifon de ce mouvement? ou vous êtes forcé de dire que ce mouvement eft néceffaire, ou bien vous devez avouer que DIEU l'a commencé. Si vous demandez enfin, pourquoi DIEU l'a commencé, quelle autre raifon fuffifante en pouvezvous trouver, finon qu'il falait que DIEU ordonnât ce mouvement, pour exécuter les ouvrages qu'avait projettés fa fageffe? Mais pourquoi ee mouvement à droite plutôt qu'à gauche, vers l'occident plutôt que vers l'orient, en ce point de la durée plutôt qu'en un autre point? Ne fautil pas alors recourir à la volonté du créateur ? Mais y a-t-il une liberté d'indifférence ? C'est ce qu'on laiffe à examiner à tout lecteur fage & il examinera longtems avant de pouvoir juger.

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Excellent ouvrage contre la liberté. Si bon

» que le docteur Clarke y répondit par des injures. Liberté d'indifférence. Liberté de Spontanéité. Pri vation de liberté, chofe trés commune. Objections puillantes contre la liberté.

SElon Newton & Clarke, l'Etre infiniment li

bre a communiqué à l'homme fa créature une por tion limitée de cette liberté, & on n'entend pas ici par liberté la fimple puiffance d'appliquer fa penfée à tel ou tel objet, & de commencer le

CHAPITRE IV. mouvement. On n'entend pas feulement la faculté de vouloir, mais celle de vouloir très librement, avec une volonté pleine & efficace, & de vouloir même quelquefois fans autre raifon que fa volonté. Il n'y a aucun homme fur la terre qui ne croye fentir quelquefois qu'il poffède cette liberté. Plufieurs philofophes penfent d'une manière oppofée; ils croyent que toutes nos actions font néceffitées, & que nous n'avons d'autre liberté. que celle de porter quelquefois de bon gré les fers auxquels la fatalité nous attache.

De tous les philofophes qui ont écrit hardiment contre la liberté, celui qui fans contredit l'a fait avec plus de méthode, de force & de clarté, c'eft Collins, magiftrat de Londres, auteur du livre de la liberté de penfer, & de plufieurs autres ouvrages auffi hardis que philofophiques.

Clarke, qui était entiérement dans le fentiment de Newton fur la liberté, & qui d'ailleurs en soutenait les droits autant en théologien d'une fecte fingulière, qu'en philofophe, répondit vivement à Collins, & mêla tant d'aigreur à fes raifons, qu'il fit croire qu'au moins it fentait toute la force de fon ennemi. Il lui reproche de confondre toutes les idées, parce que Collins appelle l'homme un agent nécessaire. Clarke dit qu'en ce cas l'homme n'eft point agent; mais qui ne voit que c'eft-là une vraie chicane? Collins appelle agent néceffaire tout ce qui produit des effets néceffaites. Qu'on l'appelle agent ou patient, qu'importe? Le point eft de favoir s'il eft déterminé néceffairement.

Il femble, que l'on peut trouver un feul cas où l'homme foit véritablement libre d'une liberté d'indifférence, cela feul fuffit pour décider la queftion. Or quel cas prendrons-nous finon celui où l'on voudra éprouver notre liberté? Par exemple, on me propofe de me tourner à droite ou à gauche, ou de faire telle autre action, à la¬ quelle aucun plaifir ne m'entraîne, & dont aucun dégoût ne me détourne. Je choifis alors, & je

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